Née dans une famille d’artistes en Normandie, Hélène Damville a toujours pratiqué le dessin d’après nature. Cette passion pour l’observation du vivant (animal et végétal) l’a conduite à fréquenter le Muséum d’Histoire de Paris où elle découvre Buffon et les naturalistes. Elle copie à l’envi les planches de ses maîtres, se familiarisant ainsi avec la complexité d’un squelette et de ses articulations ou bien des réseaux et ramifications du monde végétal, tous ces éléments secs qui sont à la fois l’architecture de la vie et la trace du vivant quand la vie est passée. Parallèlement à ses fréquentations assidues des salles du muséum, elle complète sa formation en suivant des cours d’anatomie artistiques et passe un Master de philosophie orientale à la Sorbonne.
C’est dans cet environnement d’analyses scientifiques, philosophiques et artistiques qu’elle bâtit son corpus gravé.
Le désir d’être au plus près de la matière vivante l’amène à choisir la gravure comme médium principal de ses recherches. La gravure mais plus précisément la taille directe sur métal et sur bois. C’est en effet par la ligne et un trait vigoureux qu’Hélène réussit à traduire l’essence de la vie dans ses œuvres. Elle se forme au burin sur cuivre auprès d’André Bongibault, à l’atelier L’estampe de Chaville puis se perfectionne en gravure ornementale sur métal à l’école Boulle. André Bongibault décelant ses qualités lui propose une résidence en Chine où elle découvre la gravure sur bois en taille d’épargne. Cette technique lui permet d’appréhender les grands formats et de laisser libre cours à la virtuosité de son tracé dans une relation intime et directe avec le bois. Elle incise au burin et à la gouge l’épiderme de la matrice avec une précision chirurgicale, qu’elle anime d’un trait libre et vigoureux, d’où émane l’énergie du vivant. Ce travail à la jonction de la gravure et de la sculpture correspond parfaitement à l’artiste qui s’absorbe corps et âme, dans ce long processus de transformation de la matière organique. Hélène Damville inverse la hiérarchie entre matrice et estampe. Ici, l’estampe est le témoin de la matrice, non plus sa finalité. D’ailleurs l’artiste confie ne plus être dans la notion de multiple et tend plutôt à faire des tirages uniques, voire des séries de deux ou trois exemplaires. En revanche, à côté de ses estampes, elle propose à notre regard ses magnifiques bois gravés rejoignant ainsi les artistes de la préhistoire dont la finalité de l’œuvre était l’objet gravé.
L’humain est rarement directement représenté. Néanmoins l’artiste nous suggère sa présence par des jeux de juxtaposition de matrices, rappelant les expériences de Rodin qui aimait superposer ses sculptures dans des dispositifs ludiques et surréalistes avant la lettre. Ainsi de deux têtes de lamantins inversées, naît une troublante évocation de vanité, qui nous interroge à la fois sur note finalité, mais également sur nos origines.
De la gravure au tatouage
Ce travail du trait dans l’épiderme du bois trouve naturellement chez Hélène Damville son prolongement dans l’art ancien du tatouage. Depuis quelques mois elle est donc entrée en apprentissage dans le salon parisien du tatoueur Alession Pariggiano. Elle qui aime travailler la matière organique a trouvé la niche artistique qu’elle cherche depuis des années : « la peau est un magnifique support dont le volume permet au dessin de devenir sculpture vivante »
Pascal Hemery