The Silent Companions

Andrew Ntshabele


Loo & Lou Gallery - Haut Marais
13.09 - 26.10.24
 

Combien sommes-nous encore à lire les journaux en format papier ? En ce XXIe siècle où le les versions numériques progressent inéluctablement, Andrew Ntshabele, artiste plasticien, peintre et collectionneur de journaux, rend hommage à la presse imprimée en l’incorporant littéralement dans son œuvre à travers des pans de textes et d’articles qui forment tout l’arrière-plan de ses peintures et vers lesquels sont tournés ses personnages : des individus anonymes, des pères et des mères de famille, mais surtout des enfants, garçons et filles se tenant la main et semblant s’avancer dans ce paysage textuel rapporteur de faits et d’événements. Mais cette image des actualités passées et présentes n’est-elle pas plutôt la métaphore d’un monde dans lequel la capacité à être informé est devenue primordiale si l’on veut être acteur de son propre avenir ? Savoir lire et écrire demeure l’une des préoccupations majeures en Afrique comme dans d’autres continents, en particulier pour les familles à revenu très faible et dont le vœu le plus cher est que leurs enfants puissent aller à l’école pour s’instruire. En Afrique du Sud, la question de l’Education demeure le nœud fondamental de la réussite individuelle et de l’accession collective au bien-être social.

Les pages de journaux se réduisent à un élément visuel de plus dans l’environnement urbain pour celles et ceux qui ne peuvent les déchiffrer. Dans les œuvres d’Andrew Ntshabele, elles constituent un paysage « contextuel », à la fois intelligible pour les uns, mais abstrait pour ceux ne sachant pas lire.  Les personnages du quotidien ordinaire qu’il choisit de représenter paraissent s’opposer à la densité des textes. Leur vitalité, exprimée par la danse ou par les actes les plus banals : faire les courses, aller à l’école … contraste avec le formatage des titres et des paragraphes, tandis qu’à l’austérité relative des textes et des photos répondent la diversité et la fraîcheur des motifs et des couleurs des vêtements. Seul ou en groupe, les personnages se dirigent vers une textualité infinie, créant un effet de profondeur et une forme de perspective à laquelle nous-mêmes, les spectateurs du tableau, participons puisque nous sommes amenés à regarder, si ce n’est à lire, les textes que voient les personnages. Andrew Ntshabele nous invite ainsi à partager en même temps que ses personnages la lecture de l’histoire événementielle en train de se faire, avec ses soubresauts et ses enjeux sociétaux. Comme eux, nous prenons consciences d’en être les témoins, à défaut d’en être les acteurs.

  • Manuel Valentin,
  • anthropologue et historien des arts de l'Afrique
  • conservateur au Musée de l'Homme, Paris