HORS LES MURS « LES PASSIONS »
Joël Person
19.09.2024 – 09.11.2024

Les Passions

Joël Person

 
Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel – Bruxelles
Loo & Lou Gallery – Haut Marais
19.09 – 09.11.24
 
  • Vue de l’exposition au Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel, 2024
  • Vue de l’exposition au Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel, 2024
  • Vue de l’exposition au Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel, 2024
  • Vue de l’exposition au Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel, 2024
  • Vue de l’exposition au Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel, 2024
  • Vue de l’exposition au Cabinet de curiosités contemporain Jonathan F. Kugel
 

Exposition Les Passions
Jonathan F. Kugel, Cabinet de curiosités contemporain
En collaboration avec Loo & Lou Gallery
Du 19 septembre au 9 novembre 2024

Signature de la monographie de Joël Person
Dans le cadre de Brussels Art Square
Jonathan F. Kugel, Cabinet de curiosités contemporain
Samedi 21 septembre de 14h30 à 18h

THE SILENT COMPANIONS
Andrew Ntshabele
13.09.2024 – 26.10.2024

The Silent Companions

Andrew Ntshabele

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
13.09 – 26.10.24
 
  • Vue de l’exposition « The Silent Companions », 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue de l’exposition « The Silent Companions », 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Silent Companions, 2024, Huile, acrylique et émaux sur divers documents, 150 x 150 cm | © Andrew Ntshabele
  • Silent Companions, 2024, Huile, acrylique et émaux sur divers documents, 150 x 150 cm | © Andrew Ntshabele
  • Silent Companions, 2024, Huile, acrylique et émaux sur divers documents, 100 x 70 cm | © Andrew Ntshabele
  • Vue de l’exposition « The Silent Companions », 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue de l’exposition « The Silent Companions », 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue de l’exposition « The Silent Companions », 2024 | © Aurea Calcavecchia

Combien sommes-nous encore à lire les journaux en format papier ? En ce XXIe siècle où le les versions numériques progressent inéluctablement, Andrew Ntshabele, artiste plasticien, peintre et collectionneur de journaux, rend hommage à la presse imprimée en l’incorporant littéralement dans son œuvre à travers des pans de textes et d’articles qui forment tout l’arrière-plan de ses peintures et vers lesquels sont tournés ses personnages : des individus anonymes, des pères et des mères de famille, mais surtout des enfants, garçons et filles se tenant la main et semblant s’avancer dans ce paysage textuel rapporteur de faits et d’événements. Mais cette image des actualités passées et présentes n’est-elle pas plutôt la métaphore d’un monde dans lequel la capacité à être informé est devenue primordiale si l’on veut être acteur de son propre avenir ? Savoir lire et écrire demeure l’une des préoccupations majeures en Afrique comme dans d’autres continents, en particulier pour les familles à revenu très faible et dont le vœu le plus cher est que leurs enfants puissent aller à l’école pour s’instruire. En Afrique du Sud, la question de l’Education demeure le nœud fondamental de la réussite individuelle et de l’accession collective au bien-être social.

Les pages de journaux se réduisent à un élément visuel de plus dans l’environnement urbain pour celles et ceux qui ne peuvent les déchiffrer. Dans les œuvres d’Andrew Ntshabele, elles constituent un paysage « contextuel », à la fois intelligible pour les uns, mais abstrait pour ceux ne sachant pas lire.  Les personnages du quotidien ordinaire qu’il choisit de représenter paraissent s’opposer à la densité des textes. Leur vitalité, exprimée par la danse ou par les actes les plus banals : faire les courses, aller à l’école … contraste avec le formatage des titres et des paragraphes, tandis qu’à l’austérité relative des textes et des photos répondent la diversité et la fraîcheur des motifs et des couleurs des vêtements. Seul ou en groupe, les personnages se dirigent vers une textualité infinie, créant un effet de profondeur et une forme de perspective à laquelle nous-mêmes, les spectateurs du tableau, participons puisque nous sommes amenés à regarder, si ce n’est à lire, les textes que voient les personnages. Andrew Ntshabele nous invite ainsi à partager en même temps que ses personnages la lecture de l’histoire événementielle en train de se faire, avec ses soubresauts et ses enjeux sociétaux. Comme eux, nous prenons consciences d’en être les témoins, à défaut d’en être les acteurs.

  • Manuel Valentin,
  • anthropologue et historien des arts de l’Afrique
  • conservateur au Musée de l’Homme, Paris

Le Salon Loo & Lou
31.05.2024 – 26.10.2024

Le Salon Loo & Lou

Dominique Lacloche
Serge Rezvani
TANC
Johan Van Mullem
Jean Claude Wouters

L’Atelier
Loo & Lou Gallery – Haut Marais
31.05 – 26.10.24
 
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia
  • Vue d’exposition, 2024 | © Aurea Calcavecchia

L’Atelier Loo&Lou prend ses aises et devient le temps d’une exposition le Salon Loo&Lou. Conçu pour suggérer un salon d’appartement dont les murs sont tapissés d’oeuvres, il combine ainsi le caractère hétéroclite propre à beaucoup d’intérieurs de collectionneurs à un certain confort. 

Ici, plutôt qu’une homogénéité curatoriale, les oeuvres choisies résonnent par une singularité dans la technique ou les médiums utilisés par les artistes et une palette de couleur mêlant les noirs et les blancs.

Ce nouveau format d’exposition trouve sa raison dans un désir, une nécessité,  de faire vivre des réalisations jusqu’alors assoupies dans les réserves de Loo&Lou.

Le canapé installé dans l’espace de façon à embrasser d’un seul regard la proposition permet au visiteur de prolonger son passage, créant ainsi les conditions propices à une compréhension plus complète des œuvres proposées, ou plus simplement à un état de contemplation…

Le Salon par Damien Aubel, journaliste et critique d’art

CŒUR DU TEMPS
Tana Borissova
31.05.2024 – 27.07.2024

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

Coeur du Temps

Tana Borissova

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
31.05 – 27.07.24
 

C’est un mystère qui déroule ses points d’interrogation dans le train ordinaire de nos existences et qui se célèbre dans l’atelier de Tana Borissova. Mystère crispant, exaspérant pour l’entendement ; mystère exaltant, source d’inépuisables et vives joies pour les autres facultés – spirituelles et sensorielles tout ensemble. 

En un mot : comment de la matière et de ses propriétés inertes (étendue, dureté ou docilité plastique, consistance ou ténuité) se dégage la vie ? Ou, mieux dit : comment ce qui est soumis aux nécessités des lois physiques qu’est la matière s’éveille-t-il à la vie – pense-t-il – sent-il – échappe-t-il à la retombée de la pesanteur ? Ces passagers de ma ligne de métro, ces couleurs sur les toiles de Tana Borissova : pourquoi ne se résument-ils pas, les uns comme les autres, au seul assemblage de molécules, de tendons et de pigments qui les constituent ? La réponse, s’il y en a une, ne nous pas appartient pas. Mais rien n’empêche, comme et avec Tana Borissova, d’avancer un peu au cœur du mystère.

Voici un arbre : une section d’écorce et de bois ; voici des couleurs (des bleus plus ou moins transis de lumière, des ocres qui s’acheminent plus ou moins vers le point d’incandescence et de fusion) ; voici les toiles de l’exposition. Et voici que « voici » ne suffit pas ; qu’il y a toujours plus à voir que l’ici de ce « voici ».

Le cœur des choses : là où l’uniformité superficielle des tissus, dermes, écorces est rompue, là où il y a complication de formes, miroitement de nuances, indéfiniment regardables, caressables, interrogeables. Là où la matière organique revêt la variété du vivant. Ainsi, chez Tana Borissova, l’infinie cartographie des paysages intérieurs qui, tel ces mondes qu’abritent les gouttes d’eau des rivières, dessinent la topographie (la géologie, la géographie, on ne sait trop comment dire) de l’être végétal que fouillent et refouillent les tableaux. 

Le cœur des choses : là où l’art recherche les composantes premières dont l’assemblage suscite le vivant. Ces composantes mêmes que révèlent les variations chromatiques de Tana Borissova, indéfiniment souples mais toujours raccordées au quadruple noyau de toute chose, toujours suggestives des tonalités des quatre éléments : teintes de terre, d’eau, de feu, de ciel.

Car Tana Borissova est de la lignée des grands « décomposeurs » – de ceux qui, lumière, terre, roches, ne peuvent voir que sous les espèces de la multiplicité –, qu’il s’agisse de Turner, bien sûr, mais aussi du Giuseppe De Nittis du Vésuve, ou encore du Courbet de la caverne des Géants, comme des paysages de Dora Maar.

Je ne serai jamais tel autre voyageur dans le métro, mais je peux le connaître ; je ne serai jamais tel tableau de Tana Borissova, mais ses courants, ses flux, m’emportent ; je suis pris dans l’élan de ce surgissement, dans l’impétuosité de la vie. Poussées, jets : telle est l’impression dynamique que font les toiles de Tana Borissova. Souffle vital, pulsation cardiaque, flot du sang dans les artères, de la sève dans le végétal, coulée du temps…

Tout cela, c’est de l’ordre du mouvement, de l’émotion. Car l’arbre de Tana Borissova, comme sa peinture, sent, ressent. Magnifique mystère, devant lequel il ne reste plus qu’à se taire. Et à regarder. 

– Damien Aubel, journaliste et critique d’art

REZVANI PEINTURES
Serge Rezvani
22.03.2024 – 18.05.2024

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

Rezvani, peintures

Serge Rezvani

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
22.03 – 18.05.24
 

Peindre l’indicible sous le soleil radieux de la côte méditerranéenne. Peindre l’indicible, la nuit, en fredonnant, le jour, le Tourbillon de la vie, chanson écrite pour Jules et Jim de François Truffaut. « L’indicible », voici comment Serge Rezvani définit sa peinture viscérale dans les pages solaires de son roman autobiographique Beauté, j’écris ton nom. Roman cherchant à retrouver la source de ses pigments de terre et de feu avec lesquels il a toute sa vie eut l’absolue nécessité de creuser ses épaisses toiles de jute. Serge Rezvani, dont la vie même dépasse, dans ses terreurs de guerre, ses lumières d’Eden et son extraordinaire résonance au déroulement du temps de l’Histoire, n’importe quel récit. Ecrivain, musicien, poète, mais avant tout peintre, ce que l’on sait moins. 

Dès son plus jeune âge, enfant, il griffonne dans les jupons éphémères d’une mère extravagante et terriblement malade qui finit par l’abandonner, la veille de la déclaration de guerre, en 1939, pour aller mourir dans la solitude morbide du ghetto de Varsovie. Traumatisme infini de l’éternelle absente qui s’incarnera dans ses toiles sous la forme d’une violente « abstraction » – même s’il réfute ce terme – celle d’une mort maternelle, lointaine, inconnue. A l’adolescence, le jeune homme « entre en peinture » – selon son expression – rageusement,  obsessionnellement. Geste d’un survivant. Au fond de lueurs éparses qui semblent surgir d’un monde souterrain, il extirpe les démons d’une enfance sans attaches, démolie, meurtrie. Ses compagnons d’infortune sont alors les peintres Jacques Lanzmann et Pierre Dmitrienko ainsi que  le sculpteur anglais Raymond Mason auprès desquels il partage un quotidien de misère, tout d’abord  à l’Académie de la Grande Chaumière où il trouve refuge puis dans une vaste maison bourgeoise sans chauffage où le petit groupe d’artistes se rêve en nouvelle avant-garde de l’immédiat après-guerre. Ils sont alors les jeunes abstraits de l’Ecole de Paris, aussi connus sous le nom du collectif « Les mains éblouies » qu’expose Aimé Maeght. Autour gravitent Raymond Queneau, Boris Vian, Modigliani, Picasso ou encore Paul Eluard qui confie au jeune Rezvani l’illustration en gravures d’un de ses poèmes au souffle apollinien. 

Car dans les profonds arcanes ténébreux de cette époque au goût d’utopie eschatologique, s’infiltrent, éblouissants, la jouissance de l’amour et l’apaisement. Pour Rezvani ce sera Lula, déesse de sa vie, dont il partagea le quotidien durant 50 ans dans une bâtisse dissimulée au creux du massif des Maures. Leur paradis. Il y peint sans relâche, tenté parfois de détruire ses toiles. Lula l’en empêche. En 1962, l’année de sortie de Jules et Jim, surgissent ses Effigies, amas sombres et immobiles, totémiques, aux angles sculpturaux, qui semblent des visions d’une féminité ancestrale perdue, imprégnées de cette nouvelle abstraction labyrinthique et énigmatique qu’il semble partagé avec Serge Poliakoff et Nicolas de Staël, ses ainés. Jeu de recouvrement, de saillies sombres jaillies de l’intériorité de la peinture, elles semblent être accouchées de sous couches lointaines, comme sorties d’un carcan secret, d’une chrysalide d’ébène aux accents primitifs. 

Rarement montrés, pour certains inédits, endormis depuis des années, ces mutiques fétiches sont ici ressuscités aux côtés des Repentirs, série réalisée trente ans plus tard, aux tons plus vibrants, de rouge sang et de violine évoquant les nuances élancées de Tintoret. Inscrits dans des compositions complexes constituées de fenêtres et de portes occultes, ces toiles au maillage cloisonné semblent dessiner le réseau alambiqué d’une coque de vaisseau spatial ou d’un palais cryptique. Ils évoquent aussi une résurgence-hommage au Bœuf écorché de Rembrandt, et par corrélation, dans un lexique pictural plus proche de notre peintre, à celui de Soutine. On y décèle une palpitation contenue, enfouie, celle de toiles réalisées dans la suite des Effigies, que l’artiste a ici entrepris de recouvrir. Ces dernières haletaient d’abymes de chair, d’enchevêtrements de viscères, de dédales de lambeaux en apesanteur. Plus torturées et caverneuses, et même pour certaines monstrueuses – dans le sens où elles dévoilaient une part d’intime enfouie et traumatisée, comme une externalité corporelle, une aliénation, que seule la peinture, cette incarnation inexplicable de l’âme de l’artiste dans le champ du monde, a le pouvoir de révéler. Sans mots. Car les mots, juste après-guerre, ne suffisaient plus. Les Repentirs ont ainsi opéré l’effet d’un apaisement, ou d’une repentance, lorsque le geste du peintre est repassé. Après eux, Rezvani s’arrêtera de peindre pendant presque 30 ans, à quelques exceptions notables, pour se consacrer à l’écriture. 

Or si ses écrits exhalent la tendresse et l’humour, bien qu’invariablement marqués par une radicalité qui caractérise chacune de ses expressions artistiques, ses peintures sont à l’exact opposé. Mues par la quête de l’irreprésentable. Une quête qui ne cesse de le hanter même dans sa série plus tardive des Blanches (années 2000) construites comme des gravures sur bois. Plus hiéroglyphiques, semblant réunir la tendresse tachiste d’un Tapies et les rêveries scripturales d’un Chillida, elles creusent encore le sillon d’un motif cloisonné de portes secrètes traversées d’apparitions, derrière lesquelles réside l’inconnu. La peinture ? Cet « espace palpable du tableau comme support de l’informulable » devine la plume lumineuse de l’artiste.

– Julie Chaizemartin, journaliste et critique d’art 

ROADS THAT MAKE US
Mark Powell
12.01.2024 – 02.03.2024

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

Roads that make us

Mark Powell

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
12.01 – 02.03.24
 

Sur des papiers anciens à l’apparence surannée – enveloppes timbrées, cartes routières, cartes à jouer – Mark Powell (1980, Angleterre) dessine exclusivement au stylo bille toute une galerie de portraits dont la puissance expressive interpelle l’œil avec force et autorité. Ici, l’artiste prend soin de figurer l’ensemble des contours épidermiques de ses sujets – visages inconnus le plus souvent croisés dans la rue – semblant alors comme insister sur toute leur texture corporelle véritablement parcheminée : rides et pates d’oies creusent des sillons à même la peau, imprimant les traces de la mémoire et les marques du temps, celles-là même qui pénètrent le paysage et les sols géologiques. L’inscription géographique s’incarne et se loge dans les détails anatomiques : fondu dans le plan et non plus distinct de l’environnement, le visage devient palimpseste, Mark Powell générant dans ses œuvres une nouvelle mécanique du regard. La peau se fait pleinement surface : elle n’est convoquée que pour signifier l’intériorité, l’artiste s’attachant à en révéler la part énigmatique, soit toute la densité. Cette dernière semble comme mue par les pérégrinations passées – trajectoires personnelles, cheminements culturels – où l’intime et l’histoire se mêlent sans jamais se déranger. Et tenu éloigné des images de la perfection, le visage s’offre alors comme un livre ouvert où la lente voussure du derme et des carnations instruisent les profondeurs de la mémoire, tout comme sa sédimentation. 

  • Maud de la Forterie, Historienne et critique d’art

REFLET(S)
SylC
12.01.2024 – 02.03.2024

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

REFLET(S)

SylC

L’Atelier
Loo & Lou Gallery – Haut Marais
12.01 – 02.03.24
 

À travers l’oiseau masque

En sortant de l’atelier, une sensation ambigüe persistante. L’empreinte plaisante d’un univers coloré et lumineux. Fleurs d’acrylique et de pastel gras. Des dentelles de couleurs. Attraits des roses, des bleus, des verts, des jaunes, des rouges très vifs. Soleil. Ça se diffuse dans l’âme et le corps. Doux, vivant, sans limite, comme irradie l’amour, l’imaginaire d’un enfant. Et dans le même temps, sensation d’une ombre qui viendrait tout recouvrir. Souvenirs froids le long du dos. Un mur noir édifié entre l’oeil et le coeur. Ça se fige. Ça tient à distance. Ça ne séduit pas. Un tracé au fusain anguleux qui dérange. Présence blanche fossilisée, deux béances où plonger.

Voilà où va l’univers de SylC. Juste au bord de l’envol et de la chute sans fond. Révélateur de ce qui se cache en-dessous. Il est l’oiseau et le masque mortuaire. L’un et l’autre mêlés. Comme dans nos bouches se mêlent le goût du ciel et de la terre. 

Intuitif, l’art de SylC explore le feu inconnu que l’on porte au-dedans. N’y cherchez pas vérité ultime ni sens de lectures figé. De la peinture au dessin en passant par la sculpture, son art n’est qu’ambivalences et chocs de polarités, cassures et sutures. Esthétique du fragment et de l’hybridation qui incarne les facettes du vivant et de l’intériorité. Entre puissance de vie et fragilité, liberté et entrave, désir et peur.

Hybride, l’univers de SylC l’est avant tout par son réalisme ambigu qui navigue entre réel et imaginaire, observation et fantasme. Bien sûr, il y a dans son travail un certain goût pour les réalismes classiques issus de la Renaissance flamande ou italienne. Attrait pour le foisonnement de la nature, pour le détail anatomique, la transparence de la peau, sa lumière. Mais on pourrait aussi parler d’une sensibilité baroque, surréaliste ou expressionniste : non-fini et hasards de la matière, bizarreries anatomiques, imaginaire peuplé de créatures mythiques, Narcisse, Centaure ou autres bestioles hybrides.

Les oeuvres les plus saisissantes sont celles qui ne cherchent pas la séduction et qui se libèrent de la mimésis de l’image. Là où demeurent l’inachevé, l’imprécision. Là où jaillit instinctivement le flux de la matière au travers duquel l’oeil reconstruira ou pas une forme. Quand poussent d’une goutte noire des fragments de jambes. Quand la présence d’un bout de visage très réaliste flotte dans une masse informe à peine esquissée. Quand le tracé net, précis, s’arrête soudain pour ne dessiner que des corps sans bras, des mains inachevées, des visages sans yeux. Quand cohabite la douceur de formes rondes et fluides avec la dureté sèche de la ligne anguleuse. Et que la beauté réaliste accouche toutes sortes de monstres et autres déformations expressionnistes. Quand la réserve blanche prolifère et ne dit rien, que son grand vide désespérant.

Osmose, Altérité, Avec ou sans cavalier, Reflet(s) : dans l’univers de SylC, la question de l’identité prédomine et toujours surgit d’une manière inconsciente, ambivalente. Un corps qui chemine avec un autre. Un corps qui en reflète un autre. Un corps qui en porte un autre. Un corps qui se greffe et se fond à un autre. Une ombre informe qui flotte dans l’air. Que voit-on à travers ces figures ? Un lien indestructible, l’amour familial, la fusion amoureuse ? Ou bien l’entrave, la dépendance ? Sont-elles présences ou pertes, deuils ? Survivances de gisants et de Piétas greffées aux modèles réels ? Que voit-on à travers ces figures ? Une bête, un animal ? Un enfant, un adulte ? Un ange, un démon ? Sont-elles comètes vibrantes, fleurs éternelles, odes à la vie ? Ou bien porteuses de mort, avec leurs gueules entrouvertes et leurs orbites noires ? Sont-elles présentes, battant dans le fond de notre ventre, ou restes d’un temps passé perdu dans nos têtes ?

Nul ne sait ce qui est représenté.

Nous et les autres ou bien les autres « Je » à l’intérieur de nous ?

Nous et nos souvenirs fantômes que l’on porte en nos corps, avec mille croyances et mille désillusions. Nous et nos multiples vies qui font de nos âmes des terres de cendre où de nouveaux feux sans cesse reprennent.

Ce qu’elle représente SylC ? Peut-être cet entre-deux. Ce passage mystérieux que nous traversons tous, à la limite duquel arrive toujours la fin d’une chose et le recommencement d’une nouvelle. A l’image de cette nature ambivalente qui prend forme dans les oeuvres. Ici, ode à la vie, nature nourricière, fertile. Vaste étendue d’eau où se mire notre reflet, qui donne naissance à la forme du vivant en même temps qu’elle la fait disparaitre, happée dans son miroir sans fond. Là, lumière incandescente au-delà d’une verdoyante forêt, dont on ne sait si la beauté rougeoyante sera refuge paradisiaque ou fin apocalyptique.

Il y a le masque souvent. Ici parfois surgit d’une enveloppe noire, à long bec, menaçant. Ou visage crâne aux orbites fixes. Là souvent, fragile cercle qui contourne le visage blanc. Comme se découpe celui d’Ophélie à la surface de l’eau. Comme se détache dans ces masques anciens, moulés sur le visage des défunts, un spectre de plâtre flottant dans le vide.

Le masque, c’est ce qui reste et ce qui est passé. Ce qui était et ce qui va advenir. Le masque, c’est ce que l’on voit et ce qu’il cache derrière. C’est celui de la mort mais aussi et surtout de la métamorphose. Comme le masque de ces Dieux hybrides, étranges, à tête de cheval ou de chien surgis de lointains rituels magiques. Comme le masque de tous les êtres ailés que nous portons en nous. Des êtres de passage. Venus d’un outre-tombe imaginaire et qui renaissent sans fin dans nos têtes. Qui quittent le réel pour nous faire explorer d’autres mondes. Pour ouvrir des portes en nous, sur tous ces autres « je » qui nous habitent. Enfants, adultes, vieillards. Des êtres sans âge en évolution constante. Dans les bras desquels fusionnent matière et spirituel, joie et peine, dedans et dehors. Le goût du ciel et de la terre.

Nous ne sommes qu’oiseau de feu à masque noir.

A nous de voir au-travers. Autrement. Autre chose.

– Amélie Adamo, Mai 2023

MON MAROC
Flo Arnold et Christophe Miralles
17.11.2023 – 23.12.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

Mon Maroc
« Je croyais rêver », E. Delacroix

Flo Arnold & Christophe Miralles

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
17.11 – 23.12.23
 

En donnant pour titre à leur exposition, la formule de Delacroix « Mon Maroc, je croyais rêver », Flo Arnold et Christophe Miralles ne témoignent nullement d’un orientalisme aussi désuet qu’anachronique, ils revendiquent plutôt la nécessité pour l’art de toujours revenir à cette puissance de ravissement qui saisit le coloriste de génie à sa découverte du port de Tanger.

Si le couple d’artistes fait partie de ces nombreux étrangers qui ont fait du Maroc leur pays d’adoption, par-delà un hommage à cette terre qui peut s’enorgueillir d’avoir inspiré tant de peintres illustres, d’Eugène Delacroix à Henri Matisse, en passant par Majorelle et autres orientalistes, il symbolise, également, l’idée d’une création faite de rencontres et de parcours nomades, de créolisations et d’hybridation des influences, très éloignée d’une conception de l’oeuvre enracinée à une généalogie patriote et bornée.

En proposant une scénographie volontairement rhapsodique, dans laquelle les oeuvres s’entrecroisent en se jouant de leurs différences, pariant plutôt sur des effets de téléscopage et d’imprévu que sur une quelconque unité de style et de propos, l’exposition chez Loo & Lou Gallery contribue à souligner ce mélange des genres propre à cette « esthétique de l’impur » qui caractérise la confrontation de ces deux créations, et plus globalement l’art de notre temps. Alors que le peintre exalte une superposition virtuose de couleurs variées, dont les modulations subtiles irradient ses toiles d’une rare sensualité, les oeuvres de Flo Arnold ne privilégient-elles pas des textures de papier dont les nuances de blanc sont seulement pondérées par le reflet verdâtre produites par l’oxydation des structures en laiton de ses installations, ou quelques rares coloris de ses cartes imaginaires ?

Bien plus, si les installations organiques de Flo Arnold semblent emportées par une puissance aérienne débordant le cadre spécifique de chacun des médiums dévolus traditionnellement au système des beaux-arts, l’artiste s’appropriant avec délectation les gestes du peintre et du sculpteur, jusqu’à les enrôler dans une chorégraphie aux marges de l’architecture, les tableaux de Christophe Miralles ne cesse d’approfondir la singularité du seul fait pictural. Mariage du feu et de la terre, les deux oeuvres se complètent ainsi dans leur étrange dissemblance.

De fait, si la peinture de Christophe Miralles se concentre sur la seule figure humaine, elle ne cesse d’en déjouer la représentation factuelle et anecdotique, au profit d’une exploration plastique aux accents chromatiques envoûtants (Confluence), allant jusqu’à faire comme Bacon «d’une bouche un Sahara », tout en cheminant avec le souvenir de l’oeuvre de Goya qui a inspiré très largement l’artiste à ses débuts. Et, certaines oeuvres de Flo Arnold n’évoquent-elles pas à travers le caractère polymorphe de leurs volumes aux formes insaisissables, cette esthétique sorcière, dont Deleuze encensait la vitalité du devenir ? A cet égard, l’installation, Le sens des Mondes, condense parfaitement cette plasticité surprenante du travail de l’artiste franco-marocaine, en reprenant une partie seulement de la structure d’un ensemble plus vaste, récemment exposée au Festival international Constellations de Metz. Car loin de perdre son pouvoir d’enchantement, la barque suspendue par des filins, entre la cimaise et le sol de la galerie, répand un flot de formes opalescentes, magnifiées par le rétroéclairage et le dispositif sonore, plongeant ainsi le spectateur dans une narcose poétique toute rimbaldienne. Mon regard n’est-il pas embarqué dans l’écume enveloppante « aux neiges éblouies », côtoyant le lyrisme exalté des vers du « Bateau ivre » ?

Sans aucune hiérarchie, acentrée, insaisissable, les oeuvres de Flo Arnold sont de véritables rhizomes doués d’une spontanéité surprenante. L’artiste en utilisant du papier hydrofuge blanc qu’elle encolle sur des armatures en laiton, peut conférer à ses pièces les dimensions qu’elles souhaitent, en coupant, ou en ajoutant toujours de nouveaux modules, au gré de ses projets. La richesse polysémique de cet art est sans doute liée au parcours de la créatrice, dont l’enfance imprégnée par ses voyages en Afrique, semble encore vivifiée par l’omniprésence d’une végétation luxuriante, l’importance de tout un ensemble de sémiologies pré-signifiantes – les danses, les rites, les signes marqués sur le corps, les tissus…

En ce sens, l’artiste s’affranchit des frontières culturelles et des cadres de chacun des arts qu’elle revisite avec une totale liberté – dessin, peinture, sculpture, architecture…Ses installations ne finissent-elles pas par se jouer de l’espace urbain lors des Nuits Blanches, en réalisant des sortes de performances qui n’ont rien à envier à la féerie des forêts d’Eva Jospin, ni celle des enveloppements de Christo ?

Ce qui finit par dominer l’espace plastique de Flo Arnold et pictural de Christophe Miralles, c’est un monde de courbes, d’inflexions, de ronds, de spirales et de volutes colorées. Autant de caractères formels qui témoignent du même effort de construire l’oeuvre comme un « espace de l’intimité heureuse », selon la belle expression de Bachelard. L’art de ce couple d’artistes n’est donc nullement réductible au décoratif ou au seul plaisir rétinien.

Il rend visible un espace intensif du dedans et nous invite à le cultiver comme une cellule intime…

– Philippe Godin, Critique d’art

FORÊT NOIRE
Cedric Le Corf
20.09.2023 – 28.10.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

FORÊT NOIRE

Cedric Le Corf

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
20.09 – 28.10.23
 

Il était attendu ce deuxième Solo Show parisien de Cedric Le Corf chez Loo&Lou Gallery. De l’œuvre du jeune artiste d’origine allemande et bretonne, le public avait découvert en 2020 la force d’un travail de sculpture puissant et baroque très prometteur, dans lequel la porcelaine venait s’imbriquer dans le bois. Nées de son expérience madrilène à la Casa Vélasquez, les nouvelles œuvres de Cedric Le Corf ont mis de côté l’usage de la porcelaine pour se concentrer sur les possibilités lumineuses et colorées du bois peint.  

Par ces nouvelles sculptures et hauts-reliefs en bois polychromé, Cedric Le Corf explore l’expressivité des formes, la théâtralité de la couleur et de la lumière. Puisant dans un vaste musée imaginaire qui va du Nord au Sud, créant d’étonnantes déflagrations, cette recherche est empreinte d’une singulière vibration. Il y a bien sûr le goût du tragique venu du baroque espagnol, chargé par l’éloquence de son clair-obscur et sa maitrise des couleurs, tel qu’on peut le trouver dans les sculptures peintes à la chaire cireuse ou à la céramique émaillée de Juan De Juni ou d’Alonso Berruguete. Mais dans cette manière d’attaquer le bois et de travailler la couleur, il y a aussi la survivance d’une tradition allemande. Une tradition qui va de l’héritage rhénan, avec les écoles de bois polychromés ou les réalismes crus de Dürer et de Grünewald ; jusqu’à la puissance de l’expressionnisme allemand d’un Baselitz ou d’un Lüpertz dont le langage tout en tensions et lacérations a marqué l’artiste lors de son expérience berlinoise.

Si les sculptures d’hier privilégiaient la représentation tragique du corps, humain ou animal, dépecé, écartelé et recomposé, les nouvelles pièces aujourd’hui se focalisent sur le thème de la forêt et de la lumière. Elles sont issues de souvenirs d’enfance, écho d’une forêt natale où a grandi Cedric Le Corf, en Allemagne. Mais elles procèdent aussi d’observations plus récentes, lors de balades en terres celtiques où vit à nouveau l’artiste aujourd’hui, dans la vallée du Scorff dans le Morbihan. Immergé en pleine forêt. C’est là que Cedric Le Corf choisit son bois. Erable, châtaigner, chêne, eucalyptus, merisier. Tantôt peint ou laissé brut, c’est toujours un bois suffisamment tendre pour être travaillé rapidement, en suivant le flux spontané des idées et sensations ressenties par l’artiste. Les stimuli sont nombreux dans cet environnement quotidien chargé d’histoire, au cœur d’une nature vibrante. 

Il y a tout près les Porz a maro (les portes de la mort) et le Rocher du diable, où l’océan joue son ode marine, faisant de la roche lissée un relief à part entière. Et il y a l’âme intemporelle de la terre. Ici les restes retrouvés d’un village de l’âge de fer. Là des joyaux médiévaux. Comme l’Eglise Notre-Dame de Kernascleden où se déploie tout en couleurs, sous les voûtes d’un gothique flamboyant, le tournoiement de l’enfer et de sa danse macabre. Comme la chapelle Sainte-Barbe, qu’affectionne aussi l’artiste, pour ses clés de voûtes, ses poudrières et poutres sculptées, métamorphosées en créatures gothiques et monstrueuses. 

Bien sûr de ce contexte prégnant qui a nourri les œuvres, on retrouve l’aspect brut, archaïque, habité, puissamment expressif. On ressent les textures et les odeurs, comme la mousse verte et humide, le goût des champignons ou la dureté granuleuse des murets en pierre. On est imprégné par la lumière qui vibre à travers les feuilles et le miroitement des arbres dans les flaques d’eau. On entend le vent et les remous de la mer qui frappent contre les grands rochers. Un champ marin que l’on retrouve dans quelques gravures, pointe sèche sur métal, exposées aux côtés des reliefs et sculptures. On écoute le temps qui passe au rythme des traces de pas de cerfs ou de crânes de renard imbriqués dans la terre. Comme dans un chemin creux, le travail de Cedric se donne tout en clair et obscur. Intensément dramatique, traversé de puissantes forces vitales et telluriques, il nous plonge dans la beauté du noir. Traversée d’une forêt sombre, percée d’un filet de lumière. Juste assez pour renaitre. 

  • Amélie Adamo, Auteur, critique d’art et commissaire indépendante, Paris, juillet 2023

LES BRUITS DU MONDE
Joël Person
20.09.2023 – 28.10.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

LES BRUITS DU MONDE

Joël Person

L’Atelier
Loo & Lou Gallery – Haut Marais
20.09 – 28.10.23
 

Les Bruits du Monde

Il est difficile, voir impossible de ne pas être touché, immédiatement et littéralement happé, par l’Oeuvre dessiné de Joel Person, tant ses noirs charbonneux, appliqués avec force ou délicatesse sur ses divers supports, semblent venir à notre rencontre pour nous raconter le monde qui l’entoure, les univers qui le passionnent.

Aujourd’hui, ce rendez-vous graphique que nous offre l’auteur réputé de chevaux sensibles, dont la matière nous rappelle les précieuses éditions anglaises des années 20 imprimées en héliogravure, ce nouvel opus donc, nous plonge dans un magma d’images dont la simple ambition est de faire briller nos yeux, affoler nos oreilles et battre nos coeurs.

Les Bruits du Monde, en voilà une formule ! A l’instar de ce titre choisi il y a plus de trente ans par Peter Greenaway pour sa superbe exposition au Louvre intitulée le Bruit des Nuages, celui des Images de Joel Person veut s’inscrire dans un tout autre type de ciel.

Rencontre en « Kaleidoscopie Chorus Achromata »* 

A l’atelier, autour d’un café, me voilà face à l’artiste dessinateur mais surtout devant un grand mur blanc sur lequel, à touche touche, cohabitent des sujets en tout genre. Inachevés ou au fini impeccable (implacable ?) ses dessins ont été inspirés par différentes bases de données. L’esprit créatif se met alors en branle.  

L’effet d’ensemble est vraiment saisissant.

On ne sait où poser le regard…

Comme dans une cabine de télé surveillance, responsable d’une multitude d’images qu’il nous faut dans un premier temps voir puis scrupuleusement décrypter.

Ce magistral kaléidoscope ne laisse aucun doute sur la qualité d’exécution et du faire de son auteur.

Paradoxe supplémentaire, il émane de cet ensemble graphique une sorte de sourde sonorité. Sous nos yeux, la sensation d’un crépitement se fait sentir et nous prépare, sans coup férir, à ressentir nos propres émotions. 

Bien que sans couleurs, source des émotions selon les anciens, le dessin  à néanmoins cette faculté inouïe de parler à l’âme du profane qui s’aventure en terre sacrée nuancée de noires. Chez Joel Person, les coups de crayons comme autant de traits forment son alphabet personnel, avec lequel il bâtit ses récits, compose ses histoires. Ce qui séduit nous déconcerte parfois aussi. Comment passer d’une scène de rue à la violence manifeste à un portrait sublimé d’un pur-sang arabe cabré dans son box ? A cette question, toute réponse est vaine. Le mieux est de ne pas bouder ses plaisirs et prendre comme elles viennent ces images plurielles en bonne compagnie, celle qui grâce au talent de l’artiste nous fait apprécier  en ouvrant les yeux…ses nouveaux Bruits du Monde.

Si Person est un artiste au sens propre

Joel est un dessinateur au sens figuré, très figuré.

 

     –   Edwart Vignot, Historien d’Art

 

« Kaleidoscopie Chorus Achromata »*  néologisme inventé spécialement pour qualifier une partie du travail artistique de Joel Person : relatif à une diversité de choses, de personnes, de situations multiples sans couleurs…

CHARBON
Lydie Arickx
09.06.2023 – 28.07.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

CHARBON

Lydie Arickx

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
09.06 – 28.07.23
 

Charbon ; en choisissant de donner ce titre à sa nouvelle exposition à Loo & Lou Gallery, Lydie Arickx ne se limite pas à désigner le matériau qui a initié une partie des œuvres présentées, elle renvoie aussi à un entrelac de mémoire plus profond qui semble se nouer comme autant de sédiments passés de sa propre vie. Le charbon ne renvoie-t-il pas à ce noir pays parsemé de terrils, peuplé du souvenir des mines et des corons, de ce nord de la France, notamment, où sa famille garde de profondes attaches ? N’évoque-t-il aussi ce fond d’images aux relents d’atavisme honteux, avec le travail des enfants et des « gueules noires » de Germinal, de la silicose, des cris des femmes de mineurs, et des coups de grisou ? N’a-t-il pas servi de combustible à tout un imaginaire de la révolte sociale, celui d’un peuple qui « tonne en son cratère » en se levant comme une force souterraine, et fera bientôt éclater la terre ? En convoquant ce minerai chargé de tous ces fragments de vie humaine et végétale, le charbon n’étant qu’un extrait d’arbres fossilisés et de plantes compressés dans la nuit visqueuse des sous-sols de cette région, Lydie Arickx poursuit également son exploration des arborescences du vivant, tout en puisant jusqu’à la profondeur mystique de la peinture flamande.

En allant au charbon, Lydie Arickx n’a donc pas peur de se coltiner à une matière qui n’est pas seulement entachée des salissures de l’anthracite, mais ô combien diabolisée par sa responsabilité dans le réchauffement climatique en cours. L’artiste qui n’en est pas à son coup d’essai dans l’art du bricolage systématique, confie même son émerveillement devant ce nouvel ingrédient susceptible d’enrichir son laboratoire d’expérimentation plastique. Férue de cette « pensée sauvage », dont Claude Lévi-Strauss repérait « l’inscription, dans le monde pictural, de techniques considérées comme inadéquates, inacceptables, non professionnelles », Lydie Arickx ne recourt-t-elle pas, depuis longtemps, aux matières les moins orthodoxes et totalement étrangères aux règles de la peinture académique ?

C’est d’une manière impromptue, en se servant de ses vertus médicinales, qu’elle a découvert tout le potentiel esthétique de ce charbon végétal. En le mélangeant à de l’eau, il se diffuse au contact du papier et se répand en une multitude de gesticulations graphiques inattendues, dessinant un réseau veineux aux ramifications noueuses, aussi organiques que magiques.

L’artiste trouve ici une nouvelle façon de réaliser le rêve d’un expressionnisme informel : celui d’une matière sans forme, sans armature et sans corset ; pareille à la lianescence de certaines plantes caraïbéennes, dont l’extrême versatilité se prête à toutes les transformations et déformations, indéfiniment malléables. Lydie Arickx enrichit cette substance en la mêlant, parfois, à des pigments, et de la résine acrylique.

 

À l’instar d’une aquarelle de Füssli revisitée par « l’infini turbulent » des dessins mescaliniens chers à Henri Michaux, des silhouettes aussi évanescentes que ténues s’esquissent et s’évanouissent, en conférant aux œuvres l’entre-deux du rêve et du fantastique. Par la profondeur de son noir et sa matité remarquable, ce charbon n’évoque-t-il pas cette « œuvre au noir » qui aurait fait rêver les plus grands alchimistes ? N’incarne-t-il pas cette puissance de transmutation des valeurs faisant surgir la beauté du fond ténébreux et impur des plus vils matières ?

En restituant au grand flux de la vie, les parts les plus sordides et apparemment répugnantes de l’existence, l’art de Lydie Arickx semble parcouru par un chant de désir qui n’est pas sans évoquer le lyrisme de certaines pages d’Henri Miller : « J’aime tout ce qui coule : les fleuves, les égouts, la lave, (…) tout le pus et la saleté qui en coulant se purifient, tout ce qui perd le sens de son origine, tout ce qui parcourt le grand circuit vers la mort et la dissolution. »

 

D’où sans doute, cette tendance à en « rajouter une couche », avec ce visage jaune, notamment, aux empâtements de matières conférant au tableau l’aspect d’un véritable «bas-relief » à la gloire « matériologique ».

Ainsi, en enrichissant perpétuellement la variété des matériaux de son vocabulaire plastique, l’artiste ne s’invente-t-elle pas une langue ouverte à la béance de la vie, à la manière dont Hugo aller puiser à la « Bouche d’ombre » les illuminations de sa poésie ? Car pour la peintre comme pour le poète ne s’agit-il pas avant tout de savoir « contempler » ?

Moins qu’un créateur de formes, l’artiste devient un révélateur, « un outil » permettant de révéler des propriétés virtuelles d’un matériau. À l’instar de l’émerveillement de l’enfant se reconnaissant dans son propre dessin, n’est-il pas lui-même étonné de ce surgissement de formes à jamais naissantes ?

Les œuvres de Lydie Arickx participent pleinement d’une esthétique du jeu. Pour les apprécier, il faut sans doute s’inspirer du célèbre passage des Carnets de Léonard intitulé « Façon de stimuler et d’éveiller l’intellect pour les inventions diverses », et des « murs barbouillés de taches » d’où naissent « une infinité de choses que tu pourras ramener à des formes distinctes et bien conçues ».

Ainsi des limbes, et des linéaments d’un lavis, un couple de personnages enlacés semble tendrement se former au gré des méandres de l’encre.

En plaçant l’œuvre Lydie Arickx sous la bannière duchampienne, ne pourrait-on pas dire, enfin, que dans cette exposition, « ce sont (aussi) les regardeurs qui font la peinture » ?

– Philippe Godin, Critique d’art

ÉVOLUTION
Élisabeth Daynès
28.04.2023 – 03.06.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

ÉVOLUTION

Élisabeth Daynès

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
28.04 – 03.06.23
 

Jeune femme emmaillotée dans sa chrysalide, prête à faire éclore une autre féminité. Modelé avec soin, son visage apaisé suinte d’une poétique à la lisière de la mort et de la renaissance, contrée incertaine faisant naître songes et utopies. Ophélie du futur ? Un tissu de plastique sert de cocon à son corps, évoquant peut-être l’avènement d’une nouvelle génétique qui enserrera bientôt notre longue arborescence d’Homo Sapiens. « C’est de la science-fiction ? Non, c’est la salle d’attente du futur », nous répond Elisabeth Daynès. L’artiste, qui travaille depuis plusieurs années avec des paléogénéticiens, des anthropologues et des biologistes, est connue pour ses créations à l’intention des musées et des sites préhistoriques pour lesquels elle a redonné corps et visages aux hommes des cavernes. D’ailleurs, dans l’exposition, un Néandertalien, les bras croisés, nous toise avec ironie, semblant se demander ce que nous avons gardé de nos ancêtres et vers quel abîme générationnel nous courrons désormais. C’est aussi la question que se pose l’homme curieux, modelé à la manière d’une sculpture hyperréaliste, qui se penche sur le faciès d’un écorché traité à travers le prisme de la technologie numérique de l’Alioscopy, nous permettant de voir surgir ses ossements en relief. Inquiétante étrangeté devant ce double monstrueux de nous-même. Car les monstres semblent s’être infiltrés au cœur des nouvelles préoccupations physiques de notre époque, hantée par le spectre de la génétique et de l’hybridation, pour le meilleur et pour le pire. Nul hasard en effet si la société s’interroge tant sur les questions de genre, de sexualité et d’identité, à l’heure où les réseaux sociaux font du corps de l’individu un cobaye 3.0, prêt à muter au nom du diktat de la beauté. Cauchemar génétique en vue ? Probablement…

Elisabeth Daynès envisage que nous naîtrons bientôt dans de petites coques, pareilles à des vulves, qui pousseraient sur des arbres carbonisés. Celle qui a visité plusieurs laboratoires de recherche travaillant sur la peau synthétique se questionne sur les avancées de la science en termes de greffes. Ses œuvres parlent toutes de cette hybridation du vivant qui introduit de plus en plus l’artificiel dans le processus de l’évolution des espèces. « C’est un siècle dément avec de nouvelles normes, de nouvelles mutations » observe-t-elle. A la fois passionnée et angoissée, elle représente la folie d’une époque qui érige les fesses Kardashian et les lèvres sous blister en reines de beauté. Aujourd’hui, on change de seins comme on change de robe ! Et les jeunes filles de 16 ans qui se font faire des bouches comme des pneus le regrettent bien souvent, oubliant que ces actes de chirurgie esthétiques sont pour certains irréversibles… 

Les sculptures sur lesquelles prolifèrent des petits seins de femmes, à la manière de champignons noirs de carbone ou recouverts de feuilles d’or, inventent un autre paysage et un autre paradigme, dans lequel le ventre de la femme ne servirait plus à la fécondation. Les créations d’Elisabeth Daynès s’apparentent à des anticipations du futur de l’anthropocène, par endroit cauchemardesque et malaisant, mais aussi pop et grotesque, l’artiste ne s’interdisant pas d’introduire de la dérision au sein de ces nouvelles identités. D’où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous ? 

– Julie Chaizemartin, Journaliste et critique d’art

DESSINS
Mark Powell
28.04.2023 – 10.06.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

DESSINS

Mark Powell

L’Atelier
Loo & Lou Gallery – Haut Marais
28.04 – 10.06.23
 

Mark Powell est né en 1980 à Leeds en Grande-Bretagne, et a fréquenté l’université de Huddersfield dans laquelle il s’est inscrit un jour par hasard en rencontrant le responsable du département des beaux-arts à qui il montre quelques dessins. Ce dernier encourage son inscription, et Mark Powell commence alors à étudier le dessin et la peinture. 

Pour cette première collaboration avec la Loo & Lou, l’Atelier accueille une galerie de visages se superposant aux fragments de cartes et de plans. Premier et arrière plans confondent leurs reliefs, les rides devenant des routes, les tracés géologiques des ridules au coin des yeux. L’artiste dessine sa propre topographie, lui dont la vie mouvementée et les nombreuses pérégrinations l’ont mené de ville en ville, feuilletant sans doute les cartes et les plans qu’il recouvre aujourd’hui d’un trait raffiné. Ses dessins s’enracinent dans son déracinement même, dans ces sentiers empruntés ou imaginés dont les titres parfois évocateurs nous conduisent à la croisée des chemins. Les données terrestres deviennent supports de leur transformation en données anatomiques, et inversement. Le voyage a lieu dans ces va-et-viens qui nous inspirent des visages-paysages.

La persévérance de l’artiste et la minutie du trait éclatent dans l’immédiateté de la figuration qui jaillit avec force, rendue simplement par son instrument de prédilection, le stylo à bille. Il s’agit d’un travail consciencieux qui autorise peu les ratés mais qui demande clarté et délicatesse. Si Mark Powell se sent proche de Jean-Michel Basquiat, David Hockney ou encore Samuel Basset, la finesse de son trait rappelle tout autant le geste soigné et savant de la gravure. Claude Mellan au XVIIe siècle détachait le visage du Christ, flottant sur la feuille de papier, en le représentant d’un unique trait comme un long chemin reprenant le fil tissé du suaire de sainte Véronique. Powell s’amuse avec la même prouesse, dessine lui-aussi le tissage du visage. 

Si la fonction première d’une carte est de trouver son chemin, il s’agit aussi du visage aplani d’une ville, d’un lieu : elle en est la représentation schématique, essentielle et conventionnelle derrière laquelle se devine, si on le souhaite, le bouillonnement de vie et l’agitation citadine. Ce n’est pas un hasard si Mark Powell choisit également pour archives d’arrière-plan d’anciennes cartes postales qui rendent compte de vécus personnels, de fragments d’histoires. Nous imaginons les vies de ces visages, toutes leurs directions possibles ; c’est une invitation au voyage, un travail d’une qualité tout autant esthétique que narrative. 

– Nina Lashermes

UNDER MY SKIN
Arghaël
10.03.2023 – 15.04.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

Under My Skin

Arghaël

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
10.03 – 15.04.23
 

Under My Skin

En concentrant l’essentiel de son art sur la pratique du dessin et sur le seul motif du nu, Arghaël renoue avec cette longue histoire de la représentation des corps qui va de la préhistoire avec la Vénus de Willendorf, en passant par l’idéal de perfection antique avec la statuaire Praxitèle au culte de la chair magnifiée chez Renoir ou celle exacerbée des peintures de Lucian Freud. L’artiste cherche sans doute à ancrer son art dans un sol suffisamment consistant pour supporter les cadences et les danses dont son œuvre est porteuse. Chacune des figures dessinées ne semble-t-elle pas emportée dans une sorte de vertige d’autant plus intense qu’elle conjure toute reconnaissance visuelle des attributs par lesquels on identifie habituellement les êtres ? Les visages ne sont-ils pas systématiquement biffés à la manière de certains autoportraits d’Artaud ? Plongeant les corps dans l’indétermination mystérieuse de postures animales ou humaines, l’artiste nous invite à pénétrer cette zone d’indiscernabilité entre la bête et l’homme explorée par la peinture de Bacon, celle d’une existence vouée aux débordements de la sensation et des forces vitales aux creux même de la chair. D’une manière peut-être plus crue encore, le dessinateur se joue de la figuration des organes sexuels, volontairement éludés ou octroyés en s’affranchissant de la convenance des genres, et poursuit son questionnement de la notion d’identités sexuées. Arghaël a d’ailleurs pris récemment pour modèle une personne trans, en revisitant la figure classique de l’hermaphrodite à travers le prisme actuel des gender studies, et des débats sur le devenir « intersexué ». Avec ses lignes en perpétuels mouvements, jamais complètement stabilisées, et son inépuisable profusion de formes toujours naissantes, le dessin n’est-il pas l’art le plus prompt à ouvrir le corps à des identités multiples ?

De ce point de vue le protocole plastique d’Arghaël confine à une sorte d’épure, véritable kairos du geste qui porte le dessin par son itération obstinée à une puissance rarement atteinte. Loin d’être cantonné au rôle accessoire d’ébauche ou d’esquisse préparatoire au travail du peintre ou du sculpteur, le dessin s’affranchit ici de ces genres prétendument supérieurs pour conquérir une liberté souveraine. 

De fait, loin de configurer la silhouette des nus, les dessins sur toile de lin brut ne cessent d’enfanter des formes qui se fondent avec les forces invisibles travaillant sous la peau du modèle (Under My Skin). L’artiste propose une véritable anatomie des corps en les cartographiant de la pointe de ses fusains, à la manière d’une acupuncture graphique cernant de ses pastels les méridiens et les énergies latentes cachés dans les plis de la peau. 

Dans ses dernières œuvres, le dessinateur délaisse le fusain pour une pratique de plus en plus elliptique du dessin, où les traits sont seulement suggérés et rehaussés des fluorescences du pastel et des touches de craies d’ocres. Les corps se répandent et s’étirent comme dans les photographies d’André Kertész, ou se contorsionnent en des poses évoquant les poupées démembrées de Bellmer. L’acte de dessiner finit par se confondre avec le geste du sculpteur modelant ses figures, et cesse d’être le calque d’un réel borné, pour s’éprendre enfin de son propre mouvement toujours inachevé.

Par Philippe Godin,
Critique d’art

FRAGMENTS
Tanc
20.01.2023 – 25.02.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

FRAGMENTS

Tanc

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
20.01 – 25.02.23
 

Diffractions d’une écriture inconnue

Avec sa série Fragments, Tanc opère une nouvelle variation à l’intérieur de sa propre œuvre. Cette fois, l’artiste inventeur d’écritures abstraites révèle de surprenantes calligraphies diffractées.

Il change sa pratique, et passe d’un flux continu à un flux discontinu. Ainsi le geste ininterrompu qui consistait à recouvrir une surface devient-il l’occasion d’une fragmentation de la surface elle-même. A la belle totalité d’une toile composée comme une page, de la gauche vers la droite, du haut vers le bas, l’artiste préfère la voie du fragment. Diffractant l’Un, il effectue un nouveau découpage interne du tableau. Changer sa syntaxe en changeant son rythme. 

Le passage du continu au discontinu, de l’unité à la multiplicité, offre de nouvelles possibilités à l’artiste. L’énergie n’est plus la même. Elle n’est plus le résultat d’un unique flux, mais au contraire d’une multitude de flux.

Tanc procède par dispersion, fragmentation des écritures. D’ailleurs, il commence à travailler sur des fragments de papier disparates qu’il assemble, juxtapose dans des compositions plus larges. L’ensemble forme ainsi un puzzle d’écritures au style déconstruit.

Chaque pièce du puzzle a ses variations. Variations d’échelles et de styles. Le grossissement, ou close-up, permet des découvertes. Il révèle le creusement d’une surface ou un grain inédit d’où surgissent de nouveaux motifs dans la matière picturale. Celle-ci apparaît fluide, disséminée, laissant émerger du vide entre les traits. Les coulures donnent le sens de la gravité à la peinture. Merveilleuses veines du réel. 

Traits, coulures, taches forment des écritures segmentées, entremêlées en réseaux. De leur synthèse optique se dégagent parfois des images figuratives : un arbre bleu couché par le vent, des branches qui ploient sous le poids de la neige, des choses indicibles se reflétant dans l’eau, ou, encore, de l’eau qui ruissèle sur les signes d’une écriture inconnue. Il s’agit d’une matière de l’écoulement et du bleu. L’emploi de deux types de bombes, l’une à base de solvants, l’autre à base d’eau, contribue à créer des accidents de textures propices à la rêverie de l’œil.

L’œuvre de Tanc se situe à l’intersection de plusieurs mondes artistiques, la calligraphie orientale, l’action painting américaine, de Franz Kline à Jackson Pollock, le graffiti new-yorkais, la peinture coréenne avec le mouvement Dansaekhwa, et une constellation d’artistes qui va de Cy Twombly à Henri Michaux.

La série Fragments repense la relation entre les différents styles précédemment développés par l’artiste, car elle fonctionne comme une mise en abyme inédite de l’œuvre dans l’œuvre. Car, comme Tanc le dit lui-même, son but est de « réécrire son langage en permanence ».

Par Eric Monsinjon,
Historien et critique d’art
Décembre 2022

COLLAGES
Anna De Leidi
20.01.2023 – 25.02.2023

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

COLLAGES

Anna De Leidi

 
L’Atelier
Loo & Lou Gallery Haut Marais
20.01 – 25.02.2023

 

« Je travaille par le collage, en utilisant des matériaux recyclés que je trouve.

J’aime parcourir les étagères des magasins d’occasion et des bibliothèques de rue, à la recherche de livres et de magazines, de documents éphémères ou d’autres types de papier à utiliser dans mes collages.

Le processus de composition commence toujours par un sujet figuratif ou un petit groupe d’images qui me semblent liées les unes aux autres.

À partir d’une base figurative, je continue en ajoutant des couches de papier, en juxtaposant des textures, des tons et des fragments pour créer un ensemble qui semble complexe, pourtant simplifié à son essence, et qui acquiert une nature abstraite et lyrique, plus forte à mesure que le travail progresse.

Les sujets que je recherche, présentant souvent une qualité narrative, évoquent une histoire qui semble à la fois intime et universelle. 

Liés à des thèmes historiques et sociaux qui mêlent les frontières entre le passé et le présent, le permanent et le temporaire, le personnel et le politique, ils sont une déclaration à la continuité de l’existence humaine.

Mon travail agit comme un miroir qui me permet d’explorer mon identité et mes sentiments, tout en donnant un nouveau sens à des images qui, autrement, passeraient inaperçues.

Je cherche à mettre en évidence les liens qui existent entre ma propre expérience et celle des autres et j’ai toujours pensé que le collage était le moyen idéal pour établir ce dialogue. »

  • Anna De Leidi

Pour demander la liste complète des œuvres disponibles, veuillez nous contacter par courriel ou par téléphone (+33) 01 42 74 03 97.  

NATURE // NATURES
Exposition collective
23.09.2022 – 23.12.2022

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

NATURE //NATURES

Exposition collective

 

ARGHAËL // LYDIE ARICKX // FLO ARNOLD // DOMINIQUE LACLOCHE // CEDRIC LE CORF // CHRISTOPHE MIRALLES // JOËL PERSON // PAUL DE PIGNOL // OLIVIER DE SAGAZAN // JOHAN VAN MULLEM // JEAN CLAUDE WOUTERS

 

Loo & Lou Gallery Haut Marais
23.09 – 23.12.2022

« Nous vivons » tel est le titre du premier manuscrit publié par Lydie Arickx en 2014, tel pourrait être le sous-titre de cette première exposition collective, tant le souffle vital semble se propager au travers des œuvres, certes diverses mais partageant toutes l’idée d’une communion avec la nature, que ce soit par la recherche des ressorts inattendus et régénérateurs des matières naturelles, utilisées comme mediums, par l’acte transgressif et révélateur de la dissection – pouvant s’apparenter à une introspection picturale – ou en recourant aux traces diluées de l’encre et du pastel menant la figuration aux limites de ses métamorphoses. 

La réunion des onze artistes présentés permet pour la première fois au regardeur d’embrasser dans une même vision la singulière et frémissante identité artistique de la galerie, faite de matières mouvantes et de rugissements intimes. Esthétique de l’engagement plus que de la contemplation devant les germinations de Lydie Arickx et les masses torturées d’Olivier de Sagazan, auscultation féroce au cœur des sous-bois cendrés et des sculptures écorchées de Cedric le Corf, danse fantomatique au rythme des corps anonymes de Christophe Miralles, affleurement d’une cartographie intérieure dans les traits spontanés et verdoyants de Joël Person, proliférations et délicatesses végétales chez Florence Arnold et Dominique Lacloche, visions telluriques et fantastiques chez Paul de Pignol et Johan Van Mullem, expressivité veineuse et troublée chez Arghaël, étrange occultation de paysages désirés chez le seul photographe du groupe, Jean-Claude Wouters. 

Ces artistes explorent la terre et la chair plus qu’ils ne créent des espaces rêvés. Leurs motifs sont ceux de notre monde, pour le meilleur et pour le pire, sans concession, avec la tendresse de l’amour et la tension de la mort. Empruntant non à un retour au primitivisme mais à la source d’un classicisme sublime, fait de paysages et de figures humaines, soit de « nature et de natures », en écho et en fusion, où sourd en silence la grande histoire de la peinture et de la sculpture, des anatomies de Gautier d’Agoty aux murmures impressionnistes en passant par le Siècle d’Or espagnol. Mais ici revisitée à l’aune d’une contemporanéité soucieuse de la compréhension biologique et de la préservation de la nature. Cette dernière est en effet partout. On veut la sauver, la doter de droits juridiques, l’exploiter avec respect. La prendre encore une fois comme thème étendard d’une exposition pourrait donc sembler facile, si ce n’est qu’ici, dans cette exposition, dans cette galerie, elle n’est pas qu’un carcan à la mode, elle est la chair vivante des œuvres. La nature n’est donc plus le modèle figé, elle est l’œuvre, elle est le paysage vivant, elle est le tourment bilieux de son auteur, elle est le miroir de l’homme et de ses innombrables complexités. « Le végétal est un collaborateur silencieux que j’essaie d’entendre. Je n’impose pas ma vision sur ces feuilles mais la compose avec elles » confie justement Dominique Lacloche.

Car les artistes de la galerie entretiennent tous un lien intime avec le corps – humain ou végétal – et ses sillons secrets comme autant de vallons dans lesquels le regard n’ose au premier abord pénétrer. Abysses de la souffrance ou de l’érotisme, creuset des mutations organiques et des bouleversements de la vie. Des artistes à fleur de peau dont les fragilités et les poésies deviennent des manifestes de résilience ou des cris de survie. A l’encontre de l’immobilisme de l’image, on est dans l’existentialisme de la forme, nécessitant probablement parfois un certain fétichisme ou une sorte de mysticisme animiste. Toutefois, le pouvoir de l’imaginaire passe ici toujours par un geste matiériste, prosaïque ou plus sophistiqué, mais dont la particularité est de laisser le champ libre à l’expérimentation et à l’intuition. Qu’ils miment des états de jouissance ou de morbidité, qu’ils suintent d’hédonisme ou de mélancolie, les figures humaines et végétales présentées dans cette exposition sont des fragments d’émotion, répondant au vaste prisme peint et dessiné courant du formel à l’informel, élasticités virtuoses et intranquilles qui, même quand elles correspondent à la définition de natures mortes sont surtout des présences. On entre libre au royaume des sens.

  • – Julie Chaizemartin, Critique d’art 

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ÊTRE CHAIR
Olivier de Sagazan
03.06.2022 – 29.07.2022

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ÊTRE CHAIR

Olivier de Sagazan

Loo & Lou Gallery Haut Marais
03.06 – 29.07.2022

 « Tous les grands rêveurs terrestres aiment la terre ainsi, ils vénèrent l’argile comme la matière de l’être. » Gaston Bachelard 

Il y a le corps. Modelé, malaxé, trituré, excavé, disséqué. Si doué de fascination, qu’il en est transformé, jusqu’à l’extrême. Entre les paumes d’Olivier de Sagazan, la matière prend vie, s’incarne en doubles inconscients, faisant naître des créatures d’argile qui semblent accoucher de la glaise à l’image des êtres mythologiques s’extirpant avec effort des profondeurs chtoniennes. Emouvantes de maladresse et de dignité, elles sont le reflet malaisant de notre nature profonde, primitive, écho lancinant, déchirant, que nous avons mis des millénaires à refouler. Nées de la terre, encore en partie engluées dedans, elles nous rappellent que nos corps sont faits de la même matrice vitale. De cette « chair monde » conceptualisée par Merleau-Ponty qui envisageait l’univers comme un tout, à travers la corrélation sensible et fondamentale des éléments. Olivier de Sagazan ne cesse d’explorer cette ontologie primordiale, dans un désir toujours plus intense, toujours plus intime, de percer les secrets du vivant. 

C’est au paysage qu’il s’attaque désormais. Exit l’humain ? Paysage pressenti comme un corps. « Pour moi, un tableau ou une sculpture est toujours un organisme. Il s’agit d’y amener la vie » exprime-t-il. Face à la toile, l’artiste crée plus qu’il ne peint. A nouveau, ses mains malaxent l’argile en le mêlant cette fois à l’herbe, à la colle, à l’acrylique. Matière composite qui ne sera jamais figée, qui pourra même être ensemencée. Son corps se meut face à cette croûte de matières dont les germinations s’étirent en sous-bois fulgurants. A coups de grands gestes de bas en haut, sans idée préalable, il la rehausse de couleurs vives, y faisant pousser les végétaux vers la lumière dans un élan spontané, irrépressible, d’élévation et de profondeur. La texture se densifie, matiériste, accueillant des reliefs et transcendant toute idée de représentation. La peinture ici n’est pas une image, elle respire, elle devient « être chair », elle est le paysage. Sa texture naturaliste, ses couleurs et sa sensibilité expressionnistes font inévitablement penser aux champs dramatiques d’Anselm Kiefer faits de paille, de boue, de charbon et de plomb. Jaune éclatant, bleu rêveur, vert acide, rouge mystérieux. Chez Olivier de Sagazan cependant, le paysage est tout sauf symbolique, il est l’énergie de la nature dont le corps magique prolonge le nôtre. L’artiste y voit d’ailleurs des autoportraits, comme une transfiguration de son être conscient au sein du végétal. Un désir d’assimilation qui revendique aussi un engagement profond pour imaginer une alliance nouvelle de l’humain avec la nature, cette nature qu’il a à tort oubliée, au point de s’en désincarner. La peinture et la sculpture seraient peut-être les seuls gestes capables de nous faire ressentir ce lien physique, biologique, qui unit notre chair à celle du monde dans une sensibilité insondable. Et c’est en cela que l’art d’Olivier de Sagazan est fascinant. 

— Julie Chaizemartin, Critique d’art 

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Andrew Ntshabele
08.04.2022 – 27.07.2022

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ANDREW NTSHABELE

L’Atelier
08.04.2022 – 27.07.2022

La Lou & Loo Gallery accueille l’artiste plasticien sud-africain Andrew Ntshabele pour sa première exposition en France, du 8 avril au 27 juillet 2022.

Andrew Ntshabele élabore rapidement une technique très personnelle, mêlant collage et acrylique sur des grands formats. Sur ses fonds couverts de journaux, des figures monumentales se déploient.

Andrew Ntshabele peint avant tout ce qu’il observe. Ses personnages sont comme cueillis directement dans les rues, pour être déposés sur sa toile. Son travail s’inscrit dans une large réflexion sur les changements physiques, socio-économiques et politiques négatifs de la ville post-apartheid de Johannesburg, résultats de son urbanisation rapide. Par ses fonds de journaux, il dépeint la pression et les contraintes qui en résultent pour les citoyens qui vivent et travaillent dans la ville quotidiennement, entourés de pollution et d’ordures. Les rencontres avec ces personnalités l’incitent à enquêter sur ces difficultés sociales et à chercher à comprendre les causes profondes de la dégradation actuelle des centres-villes.

Après la pandémie de Covid-19, il a eu le sentiment que les gens ressentaient le besoin de se (re)confrontrer à l’art et de (re)trouver la joie en ces temps difficiles. De ses nouvelles productions artistiques, ressort un sentiment plus joyeux. Pour cette nouvelle série, il a exploré le travail à grande et moyenne échelle, en reprenant comme matériel des journaux contemporains liés à des articles sur le Covid-19.

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EMBRASURE
Tana Borissova
08.04.2022 – 21.05.2022

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EMBRASURE

Tana Borissova

Loo & Lou Gallery Haut Marais
08.04 – 21.05.2022

« En abordant les oeuvres de Tana Borissova nous sommes confrontés à une véritable épiphanie de la peinture, tant les tableaux proposés à notre regard échappent aux classifications immédiates par lesquelles nous appréhendons habituellement cet art. Le spectateur n’a aucune prise pour saisir ce qu’il voit. Nul signe évident n’émerge de ces toiles qui puisse satisfaire les interprétations et les identifications rassurantes. Sans doute l’absence de toute iconographie, et la spontanéité des formes organiques témoignent d’une proximité manifeste avec l’abstraction lyrique. Ne faut-il pas voir dans cette peinture, précisément l’effort pour résister aux différents types d’assignations visuelles et conceptuelles qui ont dominé son histoire ? 

Tana Borissova partage d’ailleurs la position « indécise » de Nicolas de Staël refusant de choisir entre l’abstraction et la figuration. De fait, si des tableaux aux nuances de bleu peuvent évoquer des chutes d’eau, la peintre refuse toute référence à l’idée même d’un paysage. La nature qui se donne à voir ici n’a rien de l’impression fugitive d’une scène champêtre ou pastorale. Elle renvoie bien plus à une conception antique de la phusis désignant le surgissement incessant de formes naissantes, dont l’artiste saisit miraculeusement l’élan dans l’épaisseur de sa peinture. 

Pour donner une consistance plastique à sa recherche, Tana Borissova se joue savamment des jeux de contrastes entre l’intensité des fonds noirs et l’efflorescence chromatique envahissant la toile. Elle recourt également à la dualité des effets de transparence et d’opacité, tempérant l’impact de ses empâtements rugueux par la liquidité de l’acrylique peinte à même le sol. En conférant ainsi aux motifs naissants l’apparence de matières crépitantes, l’artiste ouvre sa peinture aux éléments d’une poétique du feu et de l’imaginaire de l’eau. 

Chaque tableau ne témoigne-t-il pas de la même énergie vibrante du geste de l’artiste ? Les figures sont toujours en suspens, prises dans l’entre-deux de leurs présences nues et la pesanteur d’une absence, comme autant de passages, d’émergences, de brisements et d’éclats. La toile devient le lieu d’une véritable concaténation de formes torsadées, fragmentées et ondoyantes, emportant ses motifs tout autant dans des devenirs aquatiques et charnels, que dans les embrasements aériens et lyriques de la série Embrasure. 

En surgissant du fond obscur de la mémoire, la peinture de Tana Borissova offre une expérience de l’instant, arrachée à l’oubli et à l’aliénation du monde. »

 Philippe Godin, Critique d’art 

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ATARAXIE
Johan Van Mullem
03.02.2022 – 19.03.2022

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ATARAXIE

Johan Van Mullem

Loo & Lou Gallery Haut Marais
03.02 – 19.03.2022

Un courant de conscience…

Pour ce deuxième rendez-vous avec la galerie Loo & Lou dans son espace du 3ème arrondissement – 20 Rue Notre Dame de Nazareth, 75003 Paris – l’artiste belge Johan Van Mullem propose ATARAXIE, une exposition qui confirme la place de l’introspection au coeur de son travail. Ses célèbres représentations abstraites de visages se transforment en une perspective du monde extérieur à travers des paysages. Les portraits anthropomorphes sélectionnés dans cette proposition agissent alors comme un catalyseur de cette transition où l’humain semble fusionner à la nature. Portraits et paysages éthérés naissent des profondeurs du monde silencieux et inconscient de l’artiste où sont stockées ses informations émotionnelles. Selon l’artiste, les paysages offrent une perception claire dans un monde de plus en plus incertain. La peinture lui permet de libérer et de tenter de comprendre les impressions que ce monde a imprimé de force dans son subconscient depuis le début de son existence. Son travail fait également référence à ses origines flamandes, il pense que ces impressions peuvent être transmises de génération en génération et d’une âme à une autre. Il aime à croire que Rembrandt et Da Vinci sont comme des « compagnons » qui l’accompagnent tout au long de son parcours d’artiste.

Dans cette nouvelle série, Van Mullem développe son style unique : un « courant de conscience » entre figuratif et abstraction sur lequel il travaille depuis son plus jeune âge. L’artiste a commencé à dessiner à l’âge de cinq ans et n’a jamais cessé, suivant les traces de son père, diplomate, et de son grand-père. Né au Congo, il passe ses années de formation en Tunisie, un endroit qu’il décrit, après y être retourné à l’âge adulte, comme habité d’une lumière merveilleuse. C’est en quête de cette lumière authentique qu’il a fini par introduire de nouvelles couleurs et une nouvelle luminosité dans ses peintures de paysages.

Van Mullem travaille avec des encres à l’eau-forte à base d’huile qui lui rappellent ses années de gravure. Créant une profondeur sur laquelle il glisse ensuite et qu’il efface, la lumière se dévoile et le sujet prend vie ; le soleil se montre, une averse éclabousse une étendue d’eau, le vent souffle. L’artiste crée un monde imaginaire avec des couleurs non conventionnelles qui sont le reflet de son âme et de ses réminiscences issues de son conscient et de son subconscient. Les paysages ont toujours été historiquement un moyen d’évasion et d’éveil spirituel. Aux XIXe et XXe siècles, les romantiques réalisaient des paysages qui évoquaient la contemplation et l’existentialisme, afin de mettre en exergue la grandeur du monde face à la petitesse de l’Homme. Plus l’oeil fixe les tableaux de Van Mullem, plus la topographie unique devientperceptible et facilite la réflexion, comme si l’on regardait à travers une fenêtre embuée son propre reflet dans la vitre projeté sur un vaste paysage.

— Alexandra Gilliams

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CARTE BLANCHE (3)
Espaces Mutants
Casa de Velázquez
21.01.2022 – 04.03.2022

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CARTE BLANCHE (3)
ESPACES MUTANTS

Les artistes en résidence à la Casa de Velázquez 2021-2022

L’Atelier
21.01 – 04.03.2022

Plongée dans le travail en résidence et dans le présent de la création, l’exposition ESPACES MUTANTS présente, du 21 janvier au 18 février 2022 à l’Atelier de la Loo & Lou Gallery, le travail des artistes de la promotion 2021-2022 de l’Académie de France à Madrid, section artistique de la Casa de Velázquez.

À mi-parcours d’une résidence qui a commencé à l’automne dernier, ESPACES MUTANTS se donne à voir comme un instantané d’étape. L’exposition se conçoit comme une installation collective, mettant en scène et en dialogue les éléments représentatifs de la recherche et du processus artistique de chacun des artistes résidents. ESPACES MUTANTS se veut à la fois moment de rencontre avec le public, expérience immersive et expérimentation curatoriale de la main même des 13 artistes exposés : Najah ALBUKAI, Carmen AYALA MARÍN, Chloé BELLOC, Maxime BIOU, Lise GAUDAIRE, Mathilde LESTIBOUDOIS, Anna LÓPEZ LUNA, Eve MALHERBE, Alberto MARTÍN MENACHO, Adrien MENU, Pablo PÉREZ PALACIO, Arnaud ROCHARD, Mery SALES.

Si l’exposition reflète le souffle collectif qui unit les artistes durant leur résidence à Madrid, elle souligne également la diversité des pratiques qui cohabitent cette année dans les ateliers de la Casa de Velázquez : peinture, gravure, sculpture, arts visuels, photographie, vidéo et cinéma. Fruit d’une étroite collaboration entre la Casa de Velázquez et la Galerie Loo & Lou, ESPACES MUTANTS met également l’accent sur les synergies qui unissent ces deux lieux, à la fois incubateurs de pratiques novatrices et soutiens indéfectibles de la création contemporaine.

« À l’image de ces étoiles qui ne se laissent voir que si on ne les regarde pas, le geste artistique échappe à la perception. Il fuit, il se débat, il se tord ; il se défait sous nos doigts alors même que l’œuvre prend vie. Comment alors le restituer ? Comment rendre compte de ce souffle éphémère, lui rendre hommage et le donner à voir ? Comment, surtout, capter la fragilité du surgissement, la figer, sans la rompre ? Avec cet espace mutant, les artistes en résidence de la Casa de Velázquez nous offrent une incursion au cœur ce hors-champ si particulier. Une exposition comme un défi, entre constellation et flux de pensée, qui nous plonge dans le temps suspendu de la création et de ses métamorphoses. Esquisses, croquis, documents de recherche, pièces abouties ou en cours de réalisation… Tout ici prend place dans une installation où les singularités s’entremêlent au collectif. En exposant ensemble, pour la première fois en tant que promotion, les artistes dressent un portrait de leur expérience en résidence en même temps qu’ils nous livrent les premières lignes de force d’un travail en devenir. Espaces mutants se veut ainsi hybride et pluriel par nature. Les matières, les formes et les textures se croisent ; les sens de lecture se démultiplient ; les perspectives se dessinent et se transforment à mesure que les connexions s’établissent et s’installent. Au cœur de ce laboratoire, conçu comme une expérience immersive, il s’agit pour le spectateur d’activer chacun de ces fragments, de lire entre leurs lignes et de se laisser effleurer par le souffle crépitant de la création en résidence. »

 

À propos de la CASA DE VELÁZQUEZ

Institution relevant du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la Casa de Velázquez fait partie du réseau des cinq Écoles français à l’étranger (EFE). Elle a pour particularité de soutenir conjointement la création contemporaine et la recherche en sciences humaines et sociales. La Casa de Velázquez joue en outre un rôle majeur dans la diffusion et la valorisation du travail réalisé en résidence à travers une programmation riche et variée, s’appuyant sur un vaste réseau de partenaires internationaux.

L’ACADÉMIE DE FRANCE À MADRID est un espace privilégié qui accueille chaque année en résidence une trentaine d’artistes d’origines géographiques et culturelles diverses. Tous les ans, treize membres artistes sont sélectionnés pour développer en résidence leur projet de création.

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LIANESCENCES
Lydie Arickx
16.11.2021 – 22.01.2022

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LIANESCENCES

Lydie Arickx

Loo & Lou Gallery Haut Marais
16.11.2021 – 22.01.2022

En revenant de Chambord…

Après la spectaculaire et monumentale exposition Arborescences qui s’est tenue au Château de Chambord, la Loo & Lou Gallery accueille pour la troisième fois dans ses murs l’artiste Lydie Arickx, peintre, sculptrice, performeuse et figure majeure de la scène expressionniste française dont le travail célèbre inlassablement les cycles de la vie. Cette exposition, soutenue par la Fondation Loo & Lou est probablement l’une des expositions les plus accomplies de l’artiste.

Lianescences s’inscrit dans une forme de prolongation à Paris d’Arborescences pour un public qui aimerait vivre ou revivre en partie l’expérience d’une proposition démesurée et protéiforme. Bien entendu, Lianescences ne se veut pas être une redite de Chambord mais met en lumière un choix d’oeuvres pensé pour l’espace de la Loo & Lou Gallery qui s’est porté sur quelques pièces importantes et remarquées.

Ainsi, seront montrés les crucifix symbolisant les 14 stations du Chemin de croix, présenté dans la Chapelle de Chambord, ou L’Évolution (Oscar), un bas-relief d’os et résine de 200 x 300 cm mais l’accent sera surtout mis sur une présentation d’oeuvres de l’artiste, de format plus modeste, qui relèvent du cabinet de curiosités.

« Le qualificatif d’« expressionniste » qu’on attache souvent au travail de Lydie Arickx est réducteur. Certes, son travail malmène la figure, tord la matière et rend compte des violences du monde. Mais sa recherche permanente de nouveaux matériaux et de formes inédites nourrit son oeuvre au-delà de toute étiquette, pour dire au plus juste les peurs, les engloutissements, les joies drues ou les apparitions miraculeuses, avec parfois une émouvante douceur. Qu’elle utilise la toile, le béton, la terre, le métal, le tissu, les impressions 3D, le béton ou la cendre, Lydie Arickx transmet une énergie sans pareille qui en fait une des artistes les plus inventives, et attachantes. Après ses projets au couvent des Cordeliers, au musée de La Piscine, à la Conciergerie ou Biron, elle a proposé à Chambord, pendant quatre mois, une exposition à la fois sensuelle, puissante qui amène une réflexion sur la vie et ses formes, mettant en lumière la porosité entre minéral, végétal et animal, chaque forme habitée par un souffle que la mort même ne saurait achever, mais simplement divertir. » – Texte de l’exposition Arborescences, Château de Chambord, 2021

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Nativité
Aurélia Jaubert
08.11.2021 – 08.01.2022

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NATIVITÉ

Aurélia Jaubert

L’Atelier
9 novembre 2021 – 8 janvier 2022

« La tapisserie Nativité est fabriquée à partir de centaines de bouts de canevas et de tapisseries récoltés ça et là. Assemblées entre elles à la façon d’un collage, cousus en une sorte de patchwork, ces pièces forment une grande fresque. Une fresque que l’on peut qualifier de « pop » puisqu’elle est constituée de centaines de références à l’imagerie populaire et à l’histoire de l’art. Animaux et personnages y évoluent dans des paysages variés où les plans se succèdent en différentes profondeurs de champ. Millet et Chardin y côtoient Blanche-Neige, Renoir et Gauguin y rencontrent les Aristochats, et la Vierge présente un drôle d’enfant à un pompier dans une forme de confusion des représentations, de grand bouillonnement très orchestré. Cette œuvre que l’on pourrait également qualifier de collective puisque des centaines de petites mains y ont contribué, rend hommage, d’une certaine façon, à toutes ces femmes inconnues et à leurs « ouvrages de dames ». Ils forment ici une œuvre globale. » — Aurélia Jaubert

Il s’agit de la première collaboration d’Aurélia Jaubert e avec la galerie Loo & Lou. Nativité a reçu en 2020 la mention spéciale du jury de la Biennale Contextile à Guimares au Portugal.

« Depuis ses premiers tableaux composés de mortiers colorés intégrant des collages de ses propres photographies jusqu’à ses récentes tapisseries, Aurélia Jaubert a été fascinée par la métamorphose des images, leur passage d’un support à un autre, les illusions qu’elles engendrent. Elle a progressivement quitté la surface traditionnelle du tableau pour des compositions hétérogènes, sortes de mélange utopique pour réfléchir les crises historiques de la représentation. Elle privilégie le mélange, le détournement : peinture, textile, photographie, image numérique, collage, couture, sculpture, son et musique, lumières trouvent chez Aurélia Jaubert une légitimité originale d’être empruntés et montés… Anoblir les restes, s’intéresser aux moindres manifestations de la nature (reflets, bulles, ombres, traces…) et les réinsérer dans un cycle de métamorphoses qui efface la valeur d’usage et réinstaure une inattendue valeur esthétique, autant de gestes d’une collectionneuse que ceux d’une artiste qui reste toujours fidèle à l’image. Rêver sur le destin fantastique des petits accidents ou objets de la vie quotidienne, bavures, taches, coulures, débris colorés, bandes magnétiques déclassées, vieilles bouées de piscine, échantillons de tissus… Autant de ruines modernes à partir desquelles Aurélia Jaubert, herboriste du bitume, tente de réinventer des images élégantes, étonnantes, saugrenues, inédites. »

— Dominique Païni, critique et commissaire d’expositions indépendant
Directeur du Centre Pompidou (2000-2005)
Directeur de la Cinémathèque française (1990-2000)

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LES ANNÉES INDIENNES
Fred Kleinberg
21.09.2021 – 30.10.2021

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LES ANNEES INDIENNES

Fred Kleinberg

Loo & Lou Gallery Haut Marais
21.09 – 30.10.2021

En paraphrasant, l’exergue du livre de Nietzsche Humain trop humain, on pourrait dire de la peinture de Fred Kleinberg qu’elle est une œuvre pour esprits libres, tant cet artiste ne peut rien se sentir d’autre sur terre que voyageur. Ce que cherche Fred Kleinberg dans cet athlétisme nomade, c’est non seulement une ouverture humaniste à l’autre, mais également ce que le philosophe Gilles Deleuze nomme ce «chaos-germe » à partir duquel peut émerger un style.

Une trentaine d’œuvres réalisées entre 2000 et 2010 en Inde

De ce point de vue, Les années indiennes de Fred Kleinberg n’ont rien du carnet de voyage d’un artiste en mal d’exotisme. De la trentaine d’œuvres réalisées entre 2000 et 2010 en Inde, on ne retrouvera pas ce lot convenu d’images chères aux attractions touristiques, avec son florilège de vaches sacrées, et le foisonnement coloré des saris des femmes. Lorsqu’il séjourne en 2004 en résidence d’artiste près de Pondichéry, le peintre ne se doute pas, alors, qu’il va se retrouver au cœur de l’une des catastrophes naturelles les plus tragiques de l’histoire : le 26 décembre, un séisme d’une rare violence provoque un tsunami qui frappe entre autres, le sud de l’Inde. Parmi les décombres de son atelier entièrement détruit, l’artiste ne retrouve qu’un rouleau de papier rendu par la mer portant encore les stigmates de la violence du tsunami ; celui-ci va devenir le support du témoignage que le peintre va rendre de cette tragédie.

Une fresque de plus 18 mètres de long comme témoignage de ce drame hors norme

À la colère de la nature, Fred Kleinberg va répondre par la rage de l’expression en créant une fresque in situ, à la craie noire, dont le format sera à la hauteur de ce drame hors norme : plus de 18 mètres de long ! Au fur et à mesure que l’artiste s’informe des victimes qu’il avait connues, il fait un dessin, à la manière d’un dazibao qui se déploie progressivement. Cette fresque all-over devient le véritable sismographe de la catastrophe dont le peintre est le témoin. À l’image d’une immense vague graphique charriant tous les spectres de ceux qui ont été emportés, cette œuvre monumentale constitue une réplique sublime entraînant le spectateur dans ce sentiment d’effroi et de délectation esthétique cher aux romantiques. Au déferlement des flots marins répond le « flow » du dessin continu, seul capable de rendre sensible cet enchevêtrement d’impressions et d’images charriées par la puissance du tsunami.
En utilisant exclusivement le noir et blanc, l’artiste confère à son œuvre une tension dramatique qui évoque tout autant les pièces les plus sombres de Goya que le Guernica de Picasso.

Fred Kleinberg exerce une pratique « dialogique » de la peinture, privilégiant l’écoute, le désir de créer des liens avec les communautés au sein desquelles il crée.

La plupart des autres œuvres de l’exposition témoignent de l’engagement de l’art de Fred Kleinberg dans une aventure humaine où l’artiste exerce une pratique « dialogique » de la peinture, privilégiant l’écoute, et le désir de créer des liens avec les communautés au sein desquelles il crée.
À l’instar de la peinture Relief dans laquelle les questions formelles, et le choix des matériaux restent inséparables de l’expérience humaine qui les ont vu naître ; les toiles de jute aux motifs sérigraphiés qui encadrent le tableau, étant des emballages de sacs de céréales, récupérés par l’artiste lorsqu’il distribuait de la nourriture avec les ONG.
En intégrant des morceaux d’affiches récupérées à des toiles comme Monbay Victoria terminus ou La fuite, le peintre renoue aussi avec un usage du collage issu du cubisme, et suggère cette impression d’un monde volant en éclat dans une enfilade d’images colorées. Le recours à la technique de la gomme arabique pour une partie des œuvres faites dans le sillage du tsunami, permet enfin à l’artiste d’accentuer le caractère spectral des figures peintes. Car ce sont des humeurs de fuite, d’effroi et de survie qui constituent les affects omniprésents d’une majorité des pièces de l’exposition, unissant dans un même drame la peur animale à l’angoisse humaine. Seuls les beaux pastels de personnages de Sadhou ou de jeunes filles dont on ne sait s’ils sont les rescapés d’un monde dont l’histoire ne semble qu’une succession d’atrocités, pondère l’impression d’apocalypse qui domine cette peinture, lointaine et noble descendante, sans doute, d’une énergie romantique renouvelée.

— Philippe Godin, Critique d’art

LES OEUVRES DISPONIBLES

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DÉFERLANTE
Joël Person
19.05.2021 – 30.07.2021

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 DÉFERLANTE

Joël Person

Loo & Lou Gallery Haut Marais
19.05 – 30.07.2021

deferlante-2021-985x152cm

Lors de ses études à l’école des Beaux-Arts de Paris, d’où il sortit diplômé en 1986 avec les félicitations du jury, Joël Person put parfaire sa pratique du dessin en se confrontant à l’observation de modèles vivants. Ce souci d’approfondir constamment son regard et sa technique reste aujourd’hui intact quel que soit les thèmes de prédilection qu’il aborde : chevaux, chevelures, corps, portraits ou scènes du quotidien. Il y applique la même rigueur et s’efface derrière la seule exigence du rendu extrêmement précis susceptible de faire surgir la présence même du sujet qu’il dessine.

Très jeune déjà, la pratique du dessin était pour Joël Person l’unique moyen de s’exprimer eu égard à ses problèmes de dyslexie qui le rendait inapte à un système éducatif essentiellement tourné vers l’apprentissage des formes de langages abstraits. Le dessin fut pour lui sa résilience, et sa manière de se réapproprier un monde qui lui échappait.

En pratiquant depuis son enfance le dessin sur le vif, Joël Person est parvenu à une perfection dans son art qui ne se confond nullement avec l’académisme et les pièges d’une virtuosité démonstrative, n’ayant d’autre fin que d’épater un public avide de trompe-l’œil. Sa pratique du dessin n’a rien d’un travail superflu et d’un jeu présomptueux. Son goût du réalisme répond au désir impérieux de saisir une vérité du sujet. Que ce soient avec les immenses fresques de chevaux au galop ou les dessins au format plus modeste, Joël Person inscrit d’emblée son œuvre dans la plus haute tradition picturale héritée de la Renaissance, et celle du romantisme de Delacroix ou de Géricault.

Même lorsqu’il s’inspire des visuels prélevés dans les réseaux sociaux – ceux de CRS, de gilets jaunes ou de migrants – Joël Person retravaille sur le vif chacune de ces images. La reprise par le dessin apporte alors une « plus-value-esthétique » saisissante. Ainsi, celui du CRS qu’il réalise pour la prochaine revue de Frédéric Pajak, dévoile une dimension digne de l’univers de SF d’un RoboCop. Devant les dessins que Joël Person a produit à partir d’images d’internet, nous mesurons l’abîme qui sépare l’attention ouverte par le regard de l’artiste le crayon à la main, et cette perception passive qui alimente notre addiction aux réseaux sociaux.

Joël Person rêve de fonder une école du dessin, à l’instar de cette « école du regard » instituée à Salzbourg par Kokoschka après la Deuxième Guerre mondiale. L’éthique de son art reste fidèle à l’enseignement de Matisse attribuant à l’artiste le rôle de défaire le voile des clichés qui s’interpose entre notre perception et le réel. À l’image de notre rapport aux animaux, ces figures ultimes de l’altérité que l’artiste déconstruit admirablement dans toute son œuvre, en nous invitant à redécouvrir ces maîtres silencieux.

Depuis Freud, nous savons que les grandes œuvres d’art trouvent souvent leur élan à partir d’un souvenir d’enfance rattaché à un contenu émotif mêlant désir et interdit. Joël Person attribue sa fascination pour le motif équestre à sa rencontre infantile avec une statuette chinoise d’un cheval Tang appartenant à sa mère, qu’il lui était strictement interdit de toucher. Par le dessin, il parvint vite à s’emparer de cet univers pulsionnel où la femme et l’animal semblaient intimement liés.

De fait, de nombreux dessins de chevaux de l’artiste rendent perceptible cette ambivalence du désir et de l’effroi, conduisant parfois l’artiste à superposer des motifs aux composantes ouvertement érotiques à celles de la figure équine.

Ainsi, à propos du fusain Robes cabrées nous revient cette observation de Paul Valery à l’égard des dessins de Degas : « Le cheval marche sur les pointes. Quatre ongles le portent. Nul animal ne tient de la première danseuse, de l’étoile du corps de ballet, comme un pur-sang en parfait équilibre, que la main de celui qui le monte semble tenir suspendu, et qui savance au petit pas en plein soleil. Degas la peint dun vers ; il dit de lui : Tout nerveusement nu dans sa robe de soie. »

 En procédant par la répétition d’une série de chevaux au galop, dont le cadrage resserré sur le poitrail de l’animal accentue le sentiment de puissance et de vitalité, Joël Person offre avec ferlante une pièce maîtresse à l’art du dessin. On y retrouve toute la tension et l’érotisme des corps cher aux romantiques revisité par la puissance rythmique du all-over. Cette œuvre dont la texture noire du fusain rehausse le sentiment de vitalité musicale éprouvé à sa contemplation, témoigne d’un caractère processuel sans limite. En effet, l’artiste en répétant ces motifs sériels de cavalcade peut multiplier indéfiniment la dimension de sa création, jusqu’à envisager le rêve fou d’en recouvrir la Grande Muraille de Chine !

En déterritorialisant le dessin en tant que medium assigné à une certaine fonction circonscrite à l’espace d’un cadre délimitant une esquisse ou un exercice préparatoire, Joël Person lui ouvre un devenir qui le transporte au-delà de ses limites traditionnelles. N’est-ce pas d’ailleurs la dimension symbolique des chevaux mythiques et légendaires – que ce soient ceux de Neptune ou de l’Apocalypse – qui parcourt l’histoire que de signifier la puissance de transport dont cet animal a condensé les rêves ? C’est la force de l’œuvre de Joël Person de nous emporter avec le seul recours du dessin vers le mystère de l’art ; son insatiable désir d’ailleurs…

— Philippe Godin, Critique d’art

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LOUISE FRYDMAN
Céramique contemporaine
26.02.2021 – 17.07.2021

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CÉRAMIQUE CONTEMPORAINE

Louise Frydman

Loo & Lou Gallery — George V
26.02 – 17.07.2021

« Mon travail est une exploration des formes de la nature. Je modèle la terre et en fais naître des pièces délicates, que j’enveloppe d’un blanc poudreux, sur lesquelles la lumière vient se poser pour en faire vibrer les lignes. Le mouvement apparaît comme un élément essentiel de mon travail, à travers des formes vivantes et des pièces mobiles suspendues. Je recherche la rencontre entre force et fragilité en travaillant mes sculptures de manière éthérée dans leurs formes, et puissante par leurs dimensions. Un pétale, un arbre, le vent… C’est mon émotion que j’essaie de donner à voir. »

— Louise Frydman

Cette présentation fait écho à l’exposition « Bing! Bing! 砰 砰 Céramique Contemporaine » présentée dans l’espace culturel d’ICICLE (35e Avenue George V, Paris 8e) du 1er mars au 8 septembre 2021. Ouvert du lundi au samedi, 9h30 – 17h30.

« En mandarin, le caractère 砰 (pēng) est l’equivalent de l’onomatopée « bing! » du français: il évoque un bruit de choc, de heurt, et signifie une rupture, un événement soudain venant modifier la réalité. »

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LES CHEMINS DES DÉLICES
Catherine Wilkening
09.02.2021 – 19.03.2021

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

LES CHEMINS DES DELICES

Catherine Wilkening

Loo & Lou Gallery — Haut Marais
09.02 – 19.03.2021

En se concentrant, depuis plus d’une quinzaine d’années, sur la figure féminine avec ses thématiques universelles – naissance, vie, mort, et renaissance – le travail de Catherine Wilkening devait rencontrer la figure de la Madone, forme canonique de l’art occidental s’il en est. Dans cet exercice périlleux, l’artiste évite tout à la fois l’image de la beauté divine et mélancolique propre à l’idéal classique de la vierge chrétienne, et celle d’un lyrisme kitsch contemporain et provocateur, pour proposer une série de sculptures, pleines de ressacs et d’agitations, à l’image de cette autre beauté, dont on ne sait, si elle n’est que la fin ou « le commencement du terrible » entrevu par le poète Rainer Maria Rilke.

Il souffle sur les madones de Catherine Wilkening le vent d’une vie intense qui plisse les robes de porcelaine d’un geste baroque allant à l’infini. Décadentes et expressionnistes, chamaniques et lyriques, ces œuvres sont un hymne à une sensation ondoyante et fourmillante, une invitation à se défaire des habitudes d’un regard trop prompt à juger.

Tantôt la sculpteure crée ex nihilo ses madones, à partir de l’érection de blocs de porcelaines miraculeusement assemblés – telle cette étrange pièce, Papillon, évoquant une version inquiétante du Golgotha. Tantôt l’artiste se procure d’anciennes sculptures existantes, souvent très anciennes, vouées au culte de la Vierge Marie, qu’elle détourne de leur destination œcuménique pour les réintégrer à son univers mystique et baroque.

Elle les customise façon vaudou en les recouvrant de porcelaine et de verre, les parant de feuilles d’or et de branches d’acacia. Les pièces de grand format s’imposent par la création d’un espace formel qui semble happer la perception du spectateur. Celui-ci est alors contraint de changer de « focale » au fur et à mesure qu’il se rapproche de la sculpture découvrant des mondes à l’intérieur des mondes, et des formes infinies enveloppées dans chaque pli de matière. Le socle des sculptures qui semblait de loin une dentelle aérienne, s’avère être une accumulation de papillons. C’est un univers baroque où chaque volute, chaque aile renferme une autre forme, et chacune des œuvres portent en elle un ensemble de mondes pliés les uns aux dedans des autres. L’artiste allant jusqu’à récupérer d’anciens fragments de sculptures avortées pour les intégrer à ses nouvelles œuvres.

Catherine Wilkening dit rechercher « le monumental dans le minuscule ». Elle conquiert la grandeur de ses œuvres en explorant toutes les possibilités de la miniature, enveloppant l’infiniment grand dans l’infiniment petit. Aussi les sculptures de Catherine Wilkening ne se déchiffrent pas d’un coup d’œil rapide, non, il faut les regarder longtemps pour pénétrer le sens de leurs formes.

Les monstres, et les obsessions exquises de l’artiste se dérobent à nos yeux dans les dédales et l’extrême finesse des porcelaines, dont l’artiste a acquis le secret ! Mais sous l’apparente douceur et la consistance de l’émail blanc, la chasteté des vierges s’effrite vite pour le plus grand plaisir de nos âmes, laissant entrevoir la violence des scarifications fissurant la peau des céramiques, le foisonnement de motifs floraux, d’ossuaires d’animaux et d’accumulations de petits culs, expression d’une générosité de la vie qui prend sur elle tous les règnes de la création. Le recours par l’artiste à de nouveaux matériaux comme les feuilles d’or, le verre de Murano ou le bois d’acacia contribue à déjouer les reconnaissances sommaires. L’œil hésite entre l’élément aérien, végétal, animal. Le verre et la porcelaine deviennent d’étranges tissus enveloppant une Madone qui n’a plus rien de catholique ! » Par l’exploration infinie du détail minuscule, le travail de Catherine Wilkening n’est pas sans évoquer certains artistes spirites opérant obsessionnellement en miniaturistes sur des formats immenses, pliant et dépliant leur composition à mesure qu’ils avancent en pratiquant une forme d’automatisme. Les sculptures sont parfois travaillées des centaines d’heures, manifestant une ascèse à laquelle se contraint l’artiste. D’où la dimension mantrique et hallucinatoire de certaines de ces pièces enfantées dans l’isolement du confinement, la sculpteure ayant fait sienne cette contrainte comme l’expression d’une thébaïde heureuse et protectrice où elle a pu se concentrer et intensifier sa pratique.

Cette nouvelle série, Les Chemins des Délices, témoigne de la surabondance d’une vie inassouvie et inquiète, emportant toujours plus loin, sans le moindre repos, l’œuvre d’une artiste qui a reconnu dans la figure de la Madone sa semblable, sa sœur… et avec elle le mystère de la fécondité et de la création.

— Philippe Godin, Critique d’art

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ÊTRE EN NATURE
Benoît Luyckx
28.11.2020 – 30.01.2021

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ÊTRE EN NATURE

Benoît Luyckx

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
28.11.2020 – 30.01.2021

Cela fait maintenant plus de quarante ans que Benoît Luyckx travaille la pierre, avec une technicité sans faille. C’est sans assistant et sans aide numérique, incapables de rendre l’effet escompté dans l’esprit de l’artiste, que Luyckx crée ses sculptures en tailles directes. Plongé dans une recherche perpétuelle, le sculpteur d’origine belge est pour autant doté d’une véritable signature. On reconnaît ses œuvres incarnées, universelles, et surtout puissantes, à la manière dont il sublime la pierre, et souffle la vie sur cette matière noble, que les artistes expérimentent depuis des millénaires.

Au cœur de son Œuvre se trouve un véritable travail sur la texture, tantôt striée, tantôt naturelle, lissée, souvent avec une certaine forme de minimalisme. “J’aime les choses calmes, épurées” rappelle l’artiste. Aventurier déterminé, ce belge d’origine aime être dans les carrières, véritable atelier à ciel ouvert, en France, en Italie ou en Belgique, et surtout au milieu de la nature.  S’il commença sa carrière avec une pierre tendre, de calcaire, il se tourna rapidement vers le marbre blanc, d’abord de Carrare en Italie, ensuite en Grèce, avant de manier le marbre noir de Belgique, puis la pierre bleue belge, sa favorite.

A la Galerie Loo & Lou, Être en Nature, dévoile une vingtaine d’œuvres charnières, sur une période de dix ans. Ce titre joue sur une double signification de communion avec la nature qui nous entoure mais aussi sur la simple notion d’exister. Être en Nature est également le nom d’une sculpture, d’un buste gracieux, mis en abîme. Le torse est un thème qui traverse son Œuvre, et selon les périodes, il tend vers une épuration amplifiée, pour signifier l’essentiel de l’être, voire sa spiritualité. C’est le cas, de Nude Reverse, ce torse en marbre blanc, qui avec ses formes conceptuelles révèle un corps lisse et voilé, doté de courbes douces, et qui dans une vibration silencieuse offre aussi une sublimation du féminin. Souvent, il joue des contrastes entre le poli et le brut, pour donner vie à la matière et exprimer la dualité qui l’habite. Soft and Rock II en est un exemple parfait. Si le corps est un fil conducteur, Luyckx tend vers une appréciation des paysages, où les bustes, de plus en plus abstraits, se devinent pour laisser place à d’autres formes issues de la nature. Ce peut être l’évocation subtile des champs et cette dimension sensuelle de l’ondulation des épis de blés qui se courbent sous le vent…

La plupart de ses sculptures sont sur pivot, tournent et dansent sur elles-mêmes, offrant un jeu d’ombre et de lumière, et de nouvelles perceptions. Car dans les œuvres de Luyckx, l’évasion et la rêverie sont le moteur d’une création libre d’interprétation.

— Alexia Lanta Maestrati

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PÉNINSULES
Cedric Le Corf
16.09.2020 – 31.10.2020

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PÉNINSULES

de la péninsule Ibérique à la péninsule Armoricaine

Cedric Le Corf

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
16.09 – 29.10.20

 

Hölderlin appelait cela le « voyage à la colonie ». Pour retrouver nos origines, il faut les abandonner, les oublier. Victor Ségalen, après avoir exploré le Moyen Orient et le Pacifique, revint en Bretagne. Mon parcours est également jalonné de « stèles ».

Imprégné d’un héritage rhénan, de Dürer à Grünewald, et des écoles de bois polychromés, j’ai pénétré l’ode marine dans mon atelier de l’île de Groix, à Berlin, la lacération de l’expressionisme allemand, puis, en résidence de l’Académie des Beaux arts à la villa des Pinsons à Chars, la quiétude des paysages du Vexin peint par Corot. Ensuite, membre de la Casa Velázquez à Madrid, j’y ai découvert le baroque espagnol et son culte de la mort, ses sculptures peintes à la chaire cireuse ou à la céramique émaillée de Juan de Juni et d’Alonso Berruguete. Et enfin l’éternel retour en terre celtique où par le fruit d’un heureux hasard dans les méandres paysagés de la vallée du Scorff à seulement quelques encablures des enclos, des porz a maro (les portes de la mort), de la célèbre danse macabre de Kernascléden, et du merveilleux jubé de St Fiacre, j’ai posé mon sac et ouvert mes ateliers, musée imaginaire aux couleurs du « Sarrazin ». Un retour à la source ne peut s’accomplir que si à l’origine un poète chante, il m’aura fallu emprunter ce détour, le chemin étranger pour recommencer sans fin.

— Cedric Le Corf

 

Il est des artistes de l’inertie brutale ou de l’idée recluse, deux façons symétriques de couper l’art de la vie. La grande déliaison moderniste a encore, de fait, ses partisans. Se séparer du monde et de son souffle, comme de sa fragilité accrue, Cedric Le Corf n’y a jamais consenti. Il ne pratique pas le détachement ou l’indifférence, refuse de rompre avec l’ordre de la nature. L’ordre, non sa simple représentation. Ordre obscur, irréductible à notre raison, et d’autant plus nécessaire à fouiller, de l’intérieur, par l’énergie, elle aussi irrépressible, des formes.

Plus que figuratifs, en conséquence, les sculptures, gravures et dessins de Cedric Le Corf touchent au cœur, au sacré peut-être, du mystère organique dont nous sommes les passagers éphémères. De quoi est-il fait cet univers, le sien, qu’il dit lui-même baroque par choix expressionniste et écoute attentive des éléments où il cherche une place juste ? L’anatomie, humaine et animale, semble en être le principe organisateur, et presque la loi implacable, dont découlent des ossatures en tout genre, crânes, mâchoires, membres, fragments… On dirait de Le Corf qu’il écorche plus qu’il ne sculpte si les matières employées, du bois à la porcelaine, ne rétablissaient immédiatement la vérité de son approche.

Ses œuvres les plus sombres, qui nous ramènent à Géricault et Delacroix hors de tout mimétisme banal, contiennent une humeur caressante, agissante, épidermique, qui n’est pas l’effet de trop habiles contrastes. Se devine plutôt, puisque baroque il y a, le souci des circulations et des mutations au sein desquelles les forces vitales se confrontent victorieusement aux puissances de la souffrance, du doute et de la mort. Le Corf n’en fait pas mystère, sa curiosité l’a toujours porté vers les humanistes les plus acharnés à comprendre la machine des corps et les fluides qui en assurent le miraculeux fonctionnement. Michel Servet, martyr de la vérité, et André Vésale appartiennent à son panthéon imaginaire, de même que, plus proches, Philippe Étienne Lafosse, Jacques Fabien Gautier d’Agoty ou Honoré Fragonard, le cousin du peintre que l’on sait. Chez les anciens, anatomie et dissection ne font qu’une. Ouvrir pour comprendre, nulle alternative. Mais qu’en est-il en art où la « forme ouverte » reste souvent l’alibi de l’interprétation vide d’objet ? J’aime la réponse de Le Corf et sa façon de retrouver naturellement, au-delà des romantiques et de Baselitz, le chemin des grands Sévillans, de Montañés au jeune Velázquez. La représentation, chez eux, se voit soudain menacée par son réalisme même, la figuration par la défiguration. Les frontières s’effacent doucement et, pour le dire comme Le Corf, les corps deviennent des paysages. Et l’anatomie, en brouillant les règnes, s’anime et nous enchante.

— Stéphane Guégan
Conseiller scientifique auprès de la Présidence du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie.

 

Perdre le Midi quotidien ; traverser des cours, des arches,
des ponts ; tenter les chemins bifurqués ; m’essouffler aux
marches, aux rampes, aux escalades ;

Éviter la stèle précise ; contourner les murs usuels ; trébucher
ingénument parmi ces rochers factices ; sauter ce ravin ;
m’attarder en ce jardin ; revenir parfois en arrière,

Et par un lacis réversible égarer enfin le quadruple sens des Points du Ciel.

— Victor Ségalen – Stèles

FIND YOURSELF
Elisabeth Daynès
05.06.2020 – 23.07.2020

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FIND YOURSELF

Elisabeth Daynès

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
05.06 – 23.07.20

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Née en 1960, vit et travaille à Paris. Paléo artiste renommée, elle a exposé ses sculptures dans les musées du monde entier : Field Museum, Chicago ; Perot, Dallas ; Musée Gyeonggi-do Jeongo, Séoul ; CosmoCaixa Science Museum, Barcelone ; INAH, Mexico ; Narodni Museum, Prague ; Fondation Calouste Gulbenkian ; Musée de l’Homme, Paris, etc.

Depuis une dizaine d’années elle ajoute à ses reconstitutions scientifiques une œuvre originale traversée par une réflexion sur les enjeux de la figure humaine et du corps à l’heure contemporaine. Avec une première exposition dédiée à La Vérité des Visages elle commence une méditation sur l’identité et l’incarnation qu’elle poursuivra dans de nombreuses autres telles que Humans, Curieux face-à-face, Bouche B.. En 2019 elle participe à « Art up Lille » puis elle présente ses œuvres dans deux expositions : la première à la galerie du jour agnès b. à Paris et la seconde à la 836 M Gallery à San Francisco. En 2020 c’est la galerie Loo & Lou qui l’accueille avec Find yourself.

Pour Elisabeth Daynès le visage est le lieu d’un mystère, l’inverse d’une simple surface que l’on pourrait traiter comme un masque éphémère. Pour le montrer elle rassemble dans *Trash des faces abandonnées en un monticule multicolore parsemé de bouches rouges semblables à des pétales de fleurs qu’une main distraite aurait éparpillés. Autant de masques fugaces dont leurs détenteurs se sont défaits, déjà pris dans d’autres rêves de visages… Ce faisant elle nous interroge : le temps d’un visage serait-il désormais celui d’une fleur ?

Visages ou Mirages ? Versatiles et volatiles ces masques abandonnés donnent la mesure de la soif de métamorphose qui agite nos sociétés. Alors que la science invite à toujours plus de possibles, alors que la réécriture de soi est devenue pratique planétaire, l’artiste pointe les limites d’un futur où régnerait un prêt-à-porter de l’apparence.

Un visage s’y pourrait acquérir comme n’importe quel autre objet puis connaître le sort de n’importe quel objet: être jeté. Or, affirme avec force Elisabeth Daynès, le visage c’est tout au contraire le lieu même de l’expression des émotions, du surgissement de la pensée, de l’affleurement de l’être. Elle nous le dit dans ses statues hyperréalistes, vraies, vertigineusement vraies. Elle nous le dit dans ce curieux plongé dans un intense face-à-face avec une identité perdue. Elle nous le dit dans cette femme rivée à son miroir en quête de sa vérité. Elle nous le dit dans ce modèle aux yeux clos, figure même de l’apaisement.

Cette poétique du visage c’est tout l’enjeu du travail de l’artiste : célébration de la puissance métaphysique d’une face dans Identity, ode au végétal dans un envoûtant cortège de ménines, séries en plâtre où triomphe la singularité des êtres, effervescents bouquets de bouches écloses. En se focalisant sur une partie du corps ou du visage, en l’isolant et la transfigurant, Elisabeth Daynès donne naissance à des champs surréalistes dans lesquels des lèvres rouges fleurissent comme des coquelicots et des seins aux tendres nuances roses se transforment en pépinières insolites. Elle parvient à sublimer le détail anatomique en lui donnant une force poétique et crée un art du détail ou le détail se fait monde en soi. Ainsi, nous apprend-elle, le visage peut devenir paysage pour celui qui le sait regarder…

— Anne de Marnhac

ECRITURES AUTOMATIQUES
Tanc
17.01.2020 – 14.03.2020

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ECRITURES AUTOMATIQUES

Tanc

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
17.01 – 14.03.20
 

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Aussi loin qu’il s’en souvienne, Tanc a toujours considéré l’écriture comme un refuge. Jeune écolier, pour tromper ses professeurs, il remplit ses pages de cahiers d’une graphie indéchifrable mais qui n’en reste pas moins fascinante. Lancinante aussi. Car dans l’intimité de son atelier aujourd’hui, Tanc poursuit cette manie, la rendant audacieusement malléable à ses humeurs, influences et obsessions du moment. 

En affirmant que le processus triomphe sur le résultat, Tanc s’en remet au geste, aussi frénétique que spontané. N’écoutant que son propre rythme, les pulsions que lui évoquent ses souvenirs, il délie sur des formats variables une langue, celle de l’émotion, sans se soucier de l’illisibilité qu’elle génère. En cela Tanc n’impose rien à celui qui regarde, ni interprétation ni déchifrage et encore moins une traduction, si ce n’est que de s’abandonner à nos propres repères. Capable de s’engager profondément jusqu’à épuisement dans un procédé, un outil, une forme ou un style, l’évolution de son travail devient nettement visible grâce à un ensemble de séries : parti des Sphères (une ode à la peinture sprayée), passé par la série des Oscillations (une véritable recherche de l’épure), revenu à la saturation avec les écritures grattées et grifonnées, le travail de Tanc fait désormais un pas de plus vers l’abstraction la plus totale. La peinture à l’huile, ici agglomérée, est modelée directement grâce à son contenant, pressé à son paroxysme, et se meut sur la toile tels les remous figés d’un océan inquiétant. L’écriture engoncée et qui tend à disparaître même, Tanc nous aspire dans un autre langage.

Enfin, l’œuvre de Tanc ne serait pas totalement complète sans le versant musical qui l’accompagne. Compositeur à part entière, la musique électronique semble chez lui relever du même processus créatif sincère et spontané, du même mot d’ordre, la liberté. Lorsque Paul Klee en son temps, pensait les liens entre la peinture et la musique, Tanc aujourd’hui nous prouve à quel point ces deux disciplines peuvent largement s’inspirer l’une et l’autre, voir discourir ensemble. 

Sans cesse explorateur de sa propre psyché, Tanc laisse dans ses sillages visuels et sonores une part de lui-même. La main qui écrit ou qui dessine, la main qui compose ou qui joue, peu importe les mots, le langage, l’écriture finalement, c’est comme si tout cela voulait dire la même chose. 

— Sabella Augusto

ÉCLATS DE NUIT
Tana Borissova
07.02.2020 – 14.03.2020

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ÉCLATS DE NUIT

Tana Borissova

Loo & Lou Gallery – L’Atelier
07.02 – 14.03.20
 

L’univers est un corps infini, vêtu de dure et dense peinture. Tana Chaney sans fin s’abandonne à la fièvre des profondeurs, quand des vagues d’énergie pure, pudiques et impudiques, emportent à vif l’étendue. Elle peint les plus secrets envoûtements du dedans, et chaque peinture, en plein orage mental, est trame d’immensité.

Mystique charnelle en errance, sidérante et somptueuse, allusive, possédée, et morsures de mort-vie en pleine peau-peinture. Des traces d’êtres, aux origines du monde, éclaboussent la nuit, comme des taches d’extrême vie. Dans les voiles de l’œuvre, dans ses replis de ténèbres, on voit tension étirée, densité de nuit, et saisissante présence de sources convulsives, venues soudainement du fond des âges. Ainsi s’ensacrent les flammes tendues des corps, sous le scalpel sans poids d’une lumière troublée, dans l’air raréfié des grands fleuves psychiques.

C’est le feu des étreintes premières, où l’air se brûle, où se corrodent les surfaces, où se purifient tous les signes. Les cieux denses de Tana Chaney absorbent tous les contours, en brumes profondes qui dématérialisent le monde. Le bleu fiévreux des confins, toujours s’éloignant, sublime au dedans l’humaine matière éperdue. Acculée à ses confins, la peinture de Tana Chaney est chargée jusqu’à l’os. La couleur n’est plus liée aux surfaces, elle est arrachée aux profondeurs.

— Christian Noorbergen

le plus vieux jaillissement est un début
donneur de possibilités il en fait sa cible
l’invisible plus palpitant que le visible
provoque la rencontre

vies et désirs entrechoqués
nouvelle voûte céleste à chaque étincelle
à chaque claquement de porte
l’indomptable sauvage vitalité
se cache sous la couche sereine de la peau

l’élan surgit de la fissure
par les lèvres du temps
dans le mouvement perd du rouge
dans le passage perd du noir

— Tana Borissova

NATURE FRAGILE
Louise Frydman
13.10.2019 – 04.01.2020

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NATURE FRAGILE

Louise Frydman

Loo & Lou Gallery et L’Atelier – Haut Marais 
13.11.19 – 04.01.20
 

De l’art dans l’architecture

Les sculptures de Louise Frydman s’incarnent dans un espace avec lequel elles dialoguent jusqu’à en révéler certains aspects, ouvrant le regard et facilitant la lecture du lieu. L’artiste mène ainsi une réflexion qui interroge le lien entre art et architecture. Elle tient à créer une relation directe et intime avec le public en lui offrant une vision poétique du monde, provoquant l’imaginaire aussi bien dans des lieux dédiés à l’art que dans des espaces accessibles à tous. L’installation artistique provoque un questionnement et offre un nouveau champ d’expérience sensible.

NÉ DU LIMON
Paul de Pignol
06.10.2019 – 04.01.2020

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

NÉ DU LIMON

Paul de Pignol

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
06.11.19 – 04.01.20

 

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Voici venir l’époque de la fermentation de l’humus, de la prolifération de la pourriture, de la macération des feuilles mortes, en vertu de la loi selon laquelle tout ce qui doit être engendré le sera au voisinage de l’excrétion, les organes de la génération étant confondus avec ceux de l’urine, et tout ce qui naît naîtra enveloppé de bave, de sérosités et de sang, de même que naissent du fumier la pureté de l’asperge et la verdeur de la menthe.

— Alejo Carpentier, Extrait de Partage des eaux.

Avant l’homme et sa forme, avant ce qui sera bientôt l’espace des tracés et empreintes originels, on voit poindre, hors de l’infini, l’étendue du monde propre au surgissement de l’être humain : le paysage.

L’homme n’est pas encore né ou à peine l’est-il et déjà le paysage de sa naissance lui est donné, à profusion : une terre remuée à la pelle, un jardin d’Eden travaillé à l’emporte-pièce, une épaisseur de terreau comme hirsute de débouté. C’est là tout ce qui lui conviendra afin qu’il prospère dans son être et entame son histoire : une immensité bien remplie, à peine hargneuse d’être brassée et violentée, un territoire sans limites, propice à toutes les satisfactions du désir. Il y a un mot pour le dire : limon.

C’est le nom de la matière et de la pétrissure, le nom de la naissance et de l’appartenance. Ce qui se dresse hors du cocon protecteur n’est rien moins que l’humain, dans sa nudité primordiale et définitive : il a toute la maigreur du commencement et la lente longueur des premiers jours. Face au paysage, et dedans tout aussi bien, tel qu’il se tiendrait devant sa mère, il a le corps de son désir et l’ouverture de son attente. Il peut marcher, dès lors, tandis que la nuit s’éclaircit.

— Claude Louis-Combet, juillet 2019

TOILES VIVANTES
Lydie Arickx
18.09.2019 – 26.10.2019

Écrit par hautmarais le . Publié dans expositions.

TOILES VIVANTES

Lydie Arickx

Loo & Lou Gallery et L’Atelier – Haut Marais 
18.09 – 26.10.19

 

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Lydie Arickx dessine et peint avec une violence qui est en fait plutôt une hypersensibilité expressive. Elle ne craint pas de faire et voir grand, travaillant avec tous les moyens qui lui semblent bons, que ce soit brosses, balais, ses mains. Il faut qu’elle puisse faire corps à corps avec ses œuvres et la création est une lutte, une sorte d’accouplement avec la matière et les éléments.

Elle travaille sur le motif, selon l’expression consacrée, et reprend ensuite ces inspirations dans des oeuvres faites à l’atelier.

La production de Lydie Arickx est faite de tout ce qui est ainsi saisi dans la confrontation immédiate au monde et à l’humain. Des œuvres à grande échelle, peintures ou sculptures, sont ensuite élaborées, développées, à partir de ces moments privilégiés de communion avec l’objet et l’expérience.

Ses grandes peintures sur kraft de corps humain en dissection ou sa Grande mer sont autant d’exemples de ces développements à des échelles étonnantes de ces expériences avec toute leur intensité. Ce qui frappe le plus dans ce va-et-vient entre les expériences et leur reprise dans l’atelier, c’est chaque fois, à chaque échelle pourrait-on dire, une sincérité et une vérité qui disent la présence totale, com- plète, de l’artiste à ce qu’elle ressent. Chaque moment du travail a sa propre finalité, même s’il sera ensuite repris, réinjecté dans une autre expérience. Il y a là une manière d’être de l’artiste qui ne s’improvise pas, qui n’est probablement même pas spontanée mais provient d’une ascèse, d’une conquête de soi et de sa sensibilité.

Ce qui frappe aussi, c’est que la force du sentiment n’enveloppe rien qui relève du pathos, de l’excès d’affect qui émousse tant de démarches expressionnistes. Les dessins de corps disséqués, pour prendre l’exemple le plus périlleux, sont d’une force exceptionnelle mais témoignent aussi d’un refus évident du mortuaire et du macabre. Ce sont de pauvres corps humains transfigurés par la vision de l’art, portés à une autre réalité par le regard de l’artiste. Il y a là, comme dans les dessins de paysage, un sentiment lyrique : le sujet déclenche dans l’artiste une vibration qui débouche sur une transfiguration et cette transfiguration ne nous met plus en présence de tel ou tel corps mais de l’humain et de la vie en général. Encore une fois, je voudrais renvoyer sur ce point à Rebeyrolles et Dodeigne. Chez aux aussi, la danse macabre devient la manifestation de l’humain en général. Chez Arickx, ce sont pareillement les éléments, la nature, la vie qui viennent à la manifestation à travers un tempérament de feu et de glace.

— Yves Michaud

NELSON MAKAMO
29.05.2019 – 27.07.2019

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

Nelson Makamo

Loo & Lou Gallery – Haut Marais 
29.05 – 27.07.19

 

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Nelson Makamo vit et travaille à Johannesburg. Il est né en 1982 dans la ville de Modimolle, dans la province du Limpopo en Afrique du Sud. Montrant une étonnante aptitude artistique et un intérêt pour le dessin et la peinture, il a perfectionné sa pratique artistique à l’Artist Proof Studios de Johannesburg où il a étudié pendant 3 ans.

Nelson Makamo a montré son travail dans des expositions collectives et individuelles en Afrique du Sud, en Europe, en Angleterre et aux États-Unis, lui permettant ainsi de voyager et de travailler dans divers endroits. Il a participé à plusieurs expositions de groupe notamment aux côtés d’autres artistes sud-africains, dont David Koloane, Colbert Mashile, Deborah Bell et William Kentridge.

Le travail de Nelson est particulièrement inspiré et influencé par l’innocence des enfants des zones rurales sud-africaines. Ils incarnent pour lui la paix et l’harmonie auxquelles nous aspirons tous. Pour lui, la joie et la simplicité avec laquelle les enfants perçoivent la vie et les rapports humains réside encore en chacun de nous. Ainsi, il souhaite faire revivre ces notions oubliées chez le spectateur.

Afin de dépeindre sa vision de la société qui l’entoure, Nelson Makamo, s’inscrit dans un processus d’observation qui vient précéder son travail plastique. Ce procédé essentiel à sa création, lui permet de s’imprégner de l’usuel et de l’exceptionnel de cette nouvelle génération sud-africaine. Avec les années, son champ d’expérience s’est élargi tout comme ses médiums de prédilection, jonglant ainsi entre le fusain, l’acrylique, l’aquarelle, la sérigraphie et les peintures à l’huile.

Le travail de Nelson Makamo fait parti de plusieurs collections telles que celles de l’icône de la mode Giorgio Armani, de la musicienne Annie Lennox, de Hanzehof Zutphense Kunst Collectis, du DJ Black Coffee, du producteur Swizz Beatz, de la célèbre Oprah Winfrey et de la réalisatrice Ava Duvernay. Plus récemment il a été invité par cette même réalisatrice à faire la couverture de l’édition spéciale du TIMES de Février.

MÉTAMORPHE(S)
ARGHAËL
20.03.2019 – 11.05.2019

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

Métamorphe(s)

Arghaël

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
20.03 – 11.05.19

Parois anatomiques

Après Raw en 2016, et Skin(s) en 2017, Arghaël propose une nouvelle exposition à la Loo & Lou Gallery intitulée Métamorphe(s) où il prolonge son rapport au corps, où il accentue ses figures aériennes et surprenantes. L’artiste, tel un animal cherchant l’âme des êtres et des choses, accroché à la paroi de ses toiles, nous dévoile des corps virevoltants qui dialoguent avec les grands dessinateurs qui se sont confrontés à la puissance déterminée et sensuelle des modèles d’Egon Schiele à Bacon en passant par les corps filiformes de Giacometti et les visages organiques d’Artaud. Mais Arghaël tient à voyager ailleurs, à galoper avec les matières, à escalader une roche en lin tendu afin de restituer de cette course avec le temps une force, un assaut et une candeur non préméditée.
Il convient de revenir aux origines de l’art, à l’art rupestre, aux premières représentations où le fusain joue le rôle de cet outil incandescent, passé par le feu, qui traduit les formes rituelles de la perception. Arghaël cherche alors dans ces figures volantes et dansantes à recréer la musique anatomique des premiers temps, un concert amniotique où les corps se replient et se plient dans un cortège de chairs consumées.

Distorsions vivantes

Les chairs surgissent… la toile devient une nouvelle peau où s’est jouée la rencontre de l’artiste en mouvement et du modèle immobile. L’artiste est à l’horizontal à quatre pattes sur la toile pour faire tourner les chairs vives ; et le modèle stoïque regarde cette agitation vitale de l’artiste qui transforme son corps en matière brute. Il s’agit d’une transmutation des corps, d’un passage, d’un accueil. Il s’agit de toucher l’instant, de laisser place à l’accident, aux poussières ténues du fusain et des pastels qui parfois se cassent sous la pression des gestes francs de l’artiste. Il s’agit de distordre le réel et faire naître une folie de vie, un langage.

Mutations des corps

L’autre visage des dessins d’Arghaël, c’est la transformation des corps, la fusion métamorphe. Il tend à mélanger, à complexifier les figures qui évoquent à la fois l’extase et la souffrance dans un tressage paradoxal des émotions. Le corps se tord et lévite en même temps, créant un suspens, une énigme à déchiffrer. La collusion des sexes s’invite également dans cette danse alchimique. Quand il dessine le corps d’une femme, il soustrait certains éléments de sa féminité pour créer un espace intime ambigu. Arghaël provoque des duels sur ses toiles, le modèle et l’artiste, la violence et la douceur, l’homme et la femme, le faune et la nymphe, le fusain noir et les couleurs des pastels, la vitesse et la lenteur, le mouvement et le fixe, la caresse sensuelle et la blessure âpre.
Ses œuvres sont des métamorphoses initiées par une « gaieté noire », une vision vivante du monde des corps. L’artiste invite alors le visiteur à vivre la toile, à vivre, en ricochet, cette rencontre qui a eu lieu ; et ainsi, il nous offre à voir une chair nouvelle, fruit de cette mutation des corps.

— Lionel Dax, extrait Métamorphe(s), Mars 2019

GERMINATION
Peintures et pastels
FRED KLEINBERG
30.01.2019 – 09.03.2019

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

Germination

Fred Kleinberg

Loo & Lou Gallery et L’Atelier
30.01 – 09.03.19

Cette exposition met en évidence les correspondances entre l’homme et le principe dynamique de la nature, inhérente à chaque être. « La transformation de la violence en beauté », dont nous parle Fred Kleinberg, aboutit à la nature sauvage, cette autre face organique de l’intériorité de l’homme. Au sens de Cézanne : « Le paysage se pense en moi et je suis sa conscience. » Cette invocation de la nature inscrit l’humain dans une cosmogonie en correspondance avec les éléments et les changements de saisons, les cycles de la lune et l’alternance des marées basses et hautes.

Dans les grandes peintures de paysage le spectateur découvre une forêt, dans une autre toile une cascade. Ces lieux, nés de l’imaginaire de Fred Kleinberg, sont autant des réminiscences de ses voyages qu’un désir de nature. Il s’agit de paysages mentaux, marqués par l’absence de toute figure. Le paysage devient ici un écran de l’imaginaire, un espace de projection par excellence. Pour Fred Kleinberg, il est celui de son désir de s’immerger et de disparaître dans la terre. S’instaure alors sur la toile un dialogue avec les sensations du paysage : la brume montant dans les sous-bois, les clapotis des vagues contournant la masse des rochers, la respiration de l’humus. « Comment rendre palpable la vie d’une feuille, d’une branche, d’un tronc, lorsque celui-ci devient aussi vivant qu’un regard. » nous dit Fred Kleinberg.

Dans les dessins/pastels de Fred Kleinberg, la figure humaine est perçue comme un corps composite dont chaque partie est reliée à l’univers, appartenant aussi bien aux règnes végétal, minéral qu’animal. Compris dans sa relation avec son environnement naturel, l’homme devient alors une interface vivante, propre à suggérer une nouvelle alliance entre nature et culture.

— Jeanette Zwingenberger – extraits

YOU AND I ARE EARTH
OLIVIER DE SAGAZAN
07.11.2018 – 19.01.2019

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

You and I are earth

Olivier de Sagazan

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
07.11.18 – 19.01.19

« De tous les phénomènes ou apparitions, propres au vivant, le plus admirable est l’apparition elle-même. » Thomas Hobbes, ici, par une ellipse magnifique rend compte du mystère de la chair : visible et voyante.

La défiguration en art, c’est le passage de la Sainte Face à la Tête viande ; une ruse de l’artiste pour tenter de déplier, de comprendre le mystère de la chair, et enfin sortir de ces hallucinations collectives qui amènent à des croyances absurdes. Peintures, sculptures, performances, restent pour moi des tentatives de m’approprier la logique du vivant et de découvrir sa vraie face : comment la matière aveugle de la pierre peut-elle en se complexifiant devenir voyante chez l’animal ? Chaque être vivant est une une caisse de résonance , un « Lieu » unique à partir duquel un Monde pour soi va s’ouvrir, fût-il bactérie, crapaud, ou être humain. Je voudrais ici m’étonner et me ravir du théâtre qui se joue dans chaque organisme. »

— Olivier de Sagazan

Après Êtres-Chairs à la Chapelle des Franciscains, Olivier de Sagazan poursuit son exploration sur la thématique du vivant à la galerie Loo & Lou qui prend pour l’occasion l’apparence d’un cabinet de curiosités.

« Je travaille essentiellement avec de l’argile et de l’herbe qui forment une sorte de torchis. Technique utilisée depuis des millénaires pour construire des murs, mais qui s’avère aussi passionnante pour réaliser le support d’une peinture ou d’une sculpture. J’aime profondément ce matériau en ce qu’il parle de nos origines. Toutes mes expositions pourraient de fait s’intituler You and I are Earth. Il y a en nous un lien à la terre qui a engendrée la vie. La Terre notre planète m’apparaît comme une sorte de grand organisme vital qu’il nous faut protéger. »

— Olivier de Sagazan

L’ÉTERNITÉ ET UN JOUR
JEAN-CHRISTOPHE BALLOT
09.11.2018 – 18.01.2019

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

L’ÉTERNITÉ ET UN JOUR

Jean-Christophe Ballot

Loo & Lou Gallery – George V
09.11.2018 – 18.01.2019

 

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Le titre de l’exposition – L’éternité et un jour – reprend le titre du film de Theo Angelopoulos, primé à Cannes en 1998. En associant deux rapports au temps, le titre de l’exposition exprime toute la complexité du rapport que nous entretenons avec la figure de la Vanité : la permanence et la finitude.

Cette détermination à saisir et à rendre visible le travail du temps oriente le travail du photographe et devait le conduire un jour à se mesurer explicitement avec les Vanités. Que les rituels soient chrétiens ou animistes, on retrouve le crâne, réalité autant que motif de l’universel memento mori (souviens- toi que tu vas mourir). C’est à l’occasion d’une résidence d’artiste durant l’été 2017 au monastère de Saorge (résidence gérée par le Centre des monuments nationaux), que Jean-Christophe Ballot a développé un travail sur le thème des Vanités. L’artiste emportait avec lui deux crânes en résine conçus pour les étudiants en médecine. Il a délicatement patiné la surface blanche du premier et peint le second en or.

Pour ce travail, Jean-Christophe Ballot a réalisé les prises de vues avec un appareil numérique. Au gré des sujets, il développe ses fichiers en noir et blanc ou en couleur, réalise des épreuves dans des formats allant du 40×60cm au 100x150cm et sur des supports aussi variés que les tirages noir et blanc barytés, les impressions lambda ou pigmentaires. Il attache une grande importance au choix du papier, de ses qualités de restitution et du sujet de l’image.

Au-delà du mode opératoire, chaque image nous propose une réflexion poétique, philosophique ou spirituelle. Par ses œuvres, Jean-Christophe Ballot nous invite à la méditation.

FLORILEGES
TONY SOULIÉ
14.09.2018 – 27.10.2018

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

FLORILEGES

Tony Soulié

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
14.09 – 27.10.18
Loo & Lou Gallery – George V
21.09 – 26.10.18

 

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Avec FLORILEGES, Tony Soulié livre son acte pictural le plus abouti, le plus rebelle, le plus libre aussi, en forme d’ode flamboyante et optimiste à la force inventive de l’homme qui peut casser tous les carcans.

Il commence donc par casser celui de l’image « désormais en trop plein technologique » dit-il, une saturation qui lui fait perdre sens. Pas de méprise ! L’artiste ne fait pas dialoguer photographie et peinture, mais interroge bien la peinture, la représentation, l’émergence de l’abstraction, la poétique de l’entre-deux. De fait, il cherche le terrain vague de l’image, sa mise à distance, la forme jamais faite, le surgissement de la peinture pour la laisser « agiter ses pétales de couleur ».

Tony Soulié exécute donc l’image comme un meurtre bienvenu de la photographie. Il joue son polar à coups de griffures, de noyades colorées, de découpes à vif dans la texture même de l’image comme autant de trous noirs de la matière et de la représentation, comme autant de trous de mémoire et de leur échappée belle, un clin d’œil à Matisse aussi.

Avec ses FLORILEGES, l’artiste se glisse même derrière l’image. Il commence par arracher la pellicule photographique pour en dévoiler la chair où il va cultiver ses fleurs. Car si on a connu l’artiste cherchant la forme des villes de par le monde, New York, Hong-Kong, Tokyo, Shanghai, sa nouvelle cartographie est bien Botanique, « une floraison journalière ».

TONY SOULIÉ

Florilèges
Exposition du 14.09.18 au 27.10.18

VIDEO : Flowers

L’IMPERMANENCE
Catherine Wilkening – Jean-Christophe Ballot
22.06.2018 – 04.08.2018

Écrit par Matthew Hong le . Publié dans expositions.

L’IMPERMANENCE

Catherine Wilkening
sculpture en porcelaine

Jean-Christophe Ballot
photographies

Loo & Lou Gallery – Haut Marais
22.06.2018 – 04.08.2018

 

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Catherine Wilkening

« Il y a plusieurs années, la nécessité de mettre les mains dans la terre, matière organique, s’est imposée à moi et m’est devenue vitale. La reniflant, la malaxant, la froissant, la brisant, la griffant jusqu’à ce que la forme jaillisse…La terre est une matière vivante, dictant ses propres lois, qui réclame de l’attention, une écoute. Elle est mon guide dans notre union ; il n’y a que mes doigts, aucun outil entre elle et moi. Un combat à mains nues, une bataille acharnée et sauvage créant un jeu d’équilibre. Je cherche la faille, flirte avec le danger, explore le point de jonction, l’ultime point d’équilibre, l’instant où tout bascule, où l’accident jaillit, où la rencontre se produit, qui donne la vie, où la terre s’affirme et s’impose dans la création. Alors, la sculpture naît.

Et puis, il y a 7 ans, intervient la rencontre avec la porcelaine. L’envie d’accéder à davantage de douceur dans mes œuvres m’attire. Laissant de côté les monstres aux formes torturées jaillis d’un combat avec la matière brute, je décide de me confronter au blanc, à ce nouveau medium, à sa pureté et à son extrême finesse. La magie opère… très vite je comprends que la seule manière pour que cette terre prenne forme, c’est de lui donner amour et patience. Mon apaisement ne passera plus par la violence, mais par la quiétude.<