En se concentrant, depuis plus d’une quinzaine d’années, sur la figure féminine avec ses thématiques universelles - naissance, vie, mort, et renaissance – le travail de Catherine Wilkening devait rencontrer la figure de la Madone, forme canonique de l’art occidental s’il en est. Dans cet exercice périlleux, l’artiste évite tout à la fois l’image de la beauté divine et mélancolique propre à l’idéal classique de la vierge chrétienne, et celle d’un lyrisme kitsch contemporain et provocateur, pour proposer une série de sculptures, pleines de ressacs et d’agitations, à l’image de cette autre beauté. Il souffle sur les madones de Catherine Wilkening le vent d’une vie intense qui plisse les robes de porcelaine d’un geste baroque allant à l’infini. Tantôt la sculpteure crée ex nihilo ses madones, à partir de l’érection de blocs de porcelaines miraculeusement assemblés Tantôt l’artiste se procure d’anciennes sculptures existantes, souvent très anciennes, vouées au culte de la Vierge Marie, qu’elle détourne de leur destination œcuménique pour les réintégrer à son univers mystique et baroque. Catherine Wilkening dit rechercher « le monumental dans le minuscule ».
Elle conquiert la grandeur de ses œuvres en explorant toutes les possibilités de la miniature, enveloppant l’infiniment grand dans l’infiniment petit. Aussi les sculptures de Catherine Wilkening ne se déchiffrent pas d’un coup d’œil rapide, non, il faut les regarder longtemps pour pénétrer le sens de leurs formes. Les monstres, et les obsessions exquises de l’artiste se dérobent à nos yeux dans les dédales et l’extrême finesse des porcelaines. Mais sous l’apparente douceur et la consistance de l’émail blanc, la chasteté des vierges s’effritent vite et laisse apparaître des scarifications fissurant la peau des céramiques, le foisonnement de motifs floraux, d’ossuaires d’animaux et d’accumulations de petits culs, expression d’une générosité de la vie qui prend sur elle tous les règnes de la création. Le recours par l’artiste à de nouveaux matériaux comme les feuilles d’or, le verre de Murano ou le bois d’acacia contribue à déjouer les reconnaissances sommaires. L’œil hésite entre l’élément aérien, végétal, animal.
Par l’exploration infinie du détail minuscule, le travail de Catherine Wilkening n’est pas sans évoquer certains artistes spirites opérant obsessionnellement en miniaturistes sur des formats immenses, pliant et dépliant leur composition à mesure qu’ils avancent en pratiquant une forme d’automatisme. Les sculptures sont parfois travaillées des centaines d’heures, manifestant une ascèse à laquelle se contraint l’artiste. D’où la dimension mantrique et hallucinatoire de certaines de ces pièces enfantées dans l’isolement du confinement, la sculpteure ayant fait sienne cette contrainte comme l’expression d’une thébaïde heureuse et protectrice où elle a pu se concentrer et intensifier sa pratique. — Philippe Godin, critique d’art
Aurélie Deguest est née à Neuilly sur Seine de mère allemande et de père français, tous deux étudiants aux Beaux-Arts de Paris. Elle grandit dans un milieu artistique et culturel riche et stimulant. Depuis son plus jeune âge la peinture s’impose et structure son parcours, la poussant à suivre les cours du soir aux Beaux-Arts de Paris à seize ans, puis à préparer une licence d’Arts Plastiques qu’elle obtient à Paris VIII en 1989. Elle s’engage alors dans une carrière indépendante qui lui permet de continuer à apprendre tout en se confrontant à des défis toujours plus enrichissants. Elle travaille notamment dans l’évènementiel et collabore à d’importants projets menés par des studios de cinéma. Aurélie Deguest intervient également en tant que copiste d’oeuvres de maîtres classiques, où son exigence de fidélité lui fait passer des heures sur les mêmes détails. L’artiste est aussi sollicitée en tant que décoratrice, mettant en scène les décors dont elle assure la conception et la réalisation. Parallèlement, elle continue de produire une œuvre personnelle originale, reflet de ses expériences et de ses recherches sur le long terme qui l’ont conduite aujourd’hui à une maturité technique lui permettant d’aborder une maîtrise du dessin, de la couleur, de la matière et de la lumière à travers les mats et les brillants, les feuilles d’or et les feuilles d’argent.
Pour sa dernière exposition personnelle Faces, à la Loo & Lou Gallery en 2015, Aurélie Deguest explorait un style figuratif expressionniste puissant et exsangue au travers de dix portraits peints à l’acrylique et à l’huile. Loin de toute ressemblance physique, elle s’attache à une représentation charnelle et provocante qui défit le regard, intimide et séduit. Depuis, sans jamais s’éloigner de sa peinture, l’artiste s’est consacrée pleinement à d’autres projets personnels. Elle nous propose aujourd’hui une série de portraits grands formats de “Femmes en prière”. Une thématique, confesse-t-elle, qui s’est imposée avec une réflexion commencée à l’instar de beaucoup d’autres artistes, pendant la période de pandémie du Covid, avec une envie de se reconnecter à une forme de spiritualité. Ces dernières réalisations viendront dialoguer avec les Madonnes en porcelaine spectaculaires de Catherine Wilkening.