




Depuis son arrivée en France à l’orée du nouveau millénaire, après s’être formée à la peinture à l’École des Beaux-Arts de Nankin, LiFang (née en 1968) développe une œuvre où le regard se brouille pour mieux se recomposer, attentive à ce moment fragile où la figure se défait sans disparaître tout à fait. De larges aplats juxtaposés, modulés selon les variations de la lumière, structurent ses compositions. La couleur y naît de rapprochements, de superpositions et d’affleurements, jusqu’à créer une profondeur optique où l’œil, captif, se laisse lentement absorber.
Par certains aspects, ce patient travail de fragmentation évoque le flux accéléré de notre époque, un monde saturé d’images où la présence s’efface à mesure qu’elle s’expose.
Ses récentes toiles déploient des scènes de partage et de plénitude, des corps de baigneurs offerts à la transparence du jour, saisis sur la plage, au bord de l’eau dont les reflets irisés retiennent la tiédeur diffuse de l’été. Ses huiles oscillent entre légèreté et gravité, entre la netteté du contour et le tremblement de la surface. Ce qui importe n’est pas tant la représentation que la perception, cette manière d’habiter le monde par le regard, de le sentir vivant avant qu’il ne s’éteigne. Dans cet intervalle entre apparition et effacement, LiFang explore la durée même du visible, un espace où la clarté devient mémoire, où la peinture, par rémanences successives, se souvient.
Loin de toute virtuosité démonstrative, l’artiste engage une peinture traversée par la quête et l’expérience, attentive à sa propre intériorité, une peinture qui ne cherche pas à reproduire le réel, mais à en saisir le mouvement, l’éclat fugitif, la densité. Noyés dans la lumière, visages et silhouettes à demi estompés renvoient aux heures fondatrices de la modernité, quand figuration et abstraction s’éprouvaient dans une même continuité du regard.
À la fois ample et rythmé, le geste pictural conjugue la rigueur du dessin à la liberté d’une touche aérienne, enlevée, portée par une vitalité coloriste, subtilement acidulée. Car le retrait des représentations, ou du moins leur conversion en apparitions, soutient un entrelacement d’associations subtiles forgées autour de réminiscences, faisant ainsi advenir un tissu imaginaire partagé de tous : un sentiment de légèreté et de liberté, redéployé dans l’infini, dissous dans l’immensité. LiFang convoque alors une mémoire générique, comme limbique, générant des images semblant nées du seul souvenir. C’est un moment suspendu, à la fois intime et partagé, qu’il nous est donné de prolonger – pour que demeure, ne fût-ce qu’un instant, la fraîcheur estivale et flottante de l’émerveillement.












Nourri de ses origines allemandes, de la Forêt-Noire de son enfance et de la peinture baroque qu’il a longuement fréquentée à Madrid, Cedric Le Corf donne aujourd’hui corps à un dialogue entamé il y a quelques années avec le genre du paysage – non comme motif, mais comme espace pénétré, traversé, pleinement éprouvé. De la Bretagne où il s’est installé, l’artiste explore cette zone poreuse entre l’apparition animale et sa dissolution picturale, là où la représentation se fragmente pour laisser place à une sensation incarnée. Ce que la toile révèle, c’est moins une figure qu’une présence mouvante, palpitante, tapie dans les strates d’une matière où l’huile devient territoire et le trait, un seuil. C’est là, dans cet interstice entre figuration et abstraction, entre violence sourde et douceur sylvestre, qu’émerge une perception plus immédiate, quasi organique. Des chiens, des cerfs, parfois une patte, un flanc, une oreille ou un bois surgissent à la surface des tableaux. Parfois seulement une trace, un éclat animal, comme arraché au mouvement. L’œil croit reconnaitre une scène identifiable, presque cynégétique mais c’est plutôt la vision d’un veilleur, une perception fragmentaire, latérale qui se manifeste et fait écho à la figure du geai, cet oiseau-vigie des forêts. Ici, le regard ne vise pas à capturer, mais bien plutôt à capter. Et peindre, c’est faire corps avec l’inaperçu.
Rien ne s’impose, tout s’insinue. Les formes s’entrelacent, se dérobent et in fine se diluent dans un exercice de camouflage. Quelque chose de Matisse affleure dans cette manière d’imbriquer les aplats colorés, dans cette sensualité de la couleur pensée comme matière feuilletée. Des verts acides, des roses tendres et moirés, parfois des nuances plus étouffées, venues de l’ombre – la palette est marquée par le cycle des saisons : rien ne s’affirme et tout se fond parmi les feuillages, branchages et autres frondaisons.
Une absorption mutuelle est à l’œuvre et comme par effet d’une symbiose prononcée, le monde animal en alerte devient partie prenante du massif forestier. Des sculptures en grès prolongent cette réflexion portée sur l’imbrication. Si la porcelaine avait jadis trouvé sa place au cœur du bois, ce sont désormais ces éclats animaliers qui s’agrègent à la chair même de ces paysages sculptés. Et dans l’épaisseur de la forêt, c’est un rapport d’attention que Cedric Le Corf tente de saisir. Soit une manière d’être là, intensément, sans jamais interrompre l’élan du vivant.









Le dessin est, pour Bastien Vittori, un moyen d’explorer une image, un procédé pour comprendre ce qu’il a vu, ce qui l’a arrêté lors de ses pérégrinations, que ce soit dans une ville, une campagne, une forêt ou en bord de mer. Il se laisse porter par un territoire jusqu’à être saisi par un point de vue sur un champ, par une lumière qui traverse un hangar ou qui devient ombre, par un rayon de soleil qui s’accroche sur des sacs poubelles ou danse sur une mer agitée. Il n’y a pas de hiérarchie entre les sujets – seule la dimension poétique compte – et l’artiste est opposé à toute idée de série. Le domaine des possibles est si vaste qu’il se refuse à faire deux fois le même sujet, de s’enfermer dans un systématisme. Idéalement, chaque dessin est un nouveau sujet, une nouvelle opportunité d’aborder un motif sous une autre facette. Son approche traduit une façon de s’engager dans le réel à partir du corps, de la matière, du toucher. C’est une affirmation d’un point de vue, du positionnement du regard. Soit, si on prend un peu plus de hauteur, de poser la question de la place de l’homme dans l’univers.
Par sa distance avec le réel et par l’intention qui l’anime, il nous fait basculer dans l’imaginaire. « Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination, ce n’est pas image, c’est imaginaire. La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire », écrivait Gaston Bachelard, auteur que Bastien Vittori cite volontiers. « Travaillant d’après la photographie, j’explore les imbrications de formes auxquelles je fais face chaque jour : la transparence des feuilles et leur chatoiement, l’aspect tacheté des troncs d’arbres, la soie d’un vêtement. Tout cohabite, s’imbrique, s’encastre, se touche. Dessiner au fusain c’est creuser dans les formes et leur surface, creuser en frottant la page. » Si son point de départ est la photographie, il ne tombe jamais dans le photoréalisme. Il garde la composition générale, ce qui lui permet de se libérer du sujet d’une certaine façon, et commence véritablement à regarder et à convoquer son imagination. Il trace sa ligne sur la feuille, gomme, recommence inlassablement dans un aller-retour pris dans un jeu d’oppositions entre cacher et dévoiler, effacer et révéler, remplir la surface et laisser des espaces vides. Les blancs s’opposent aux noirs ou se fondent dans les noirs. C’est cette accumulation qui donne du corps à ses dessins aux fusains condensés, proches des noirs de gravures. Très mats, très chauds. « Avec ce médium, on déplace plus qu’on ne gomme. Je pose ma matière sur la feuille, ensuite, je la déplace, ce qui à terme crée du mouvement grâce aux accumulations de gestes. »






Aurélie Deguest a un rapport quasi donjuanesque à la peinture. Elle se sent parfois un cœur à peindre tout ce qui s’offre à son regard. C’est sans doute le caractère protéiforme de ses dons de peintre, qui lui ont permis de conquérir avec une facilité surprenante toutes les techniques de cet art, afin d’en honorer la plupart des motifs et des styles.
Elle est aussi prompte à exécuter des portraits réalistes emprunts d’une spiritualité poétique, comme dans sa série “Femmes en prière” présentée à la foire JUSTLX en 2022, que susceptible d’affirmer une peinture pleinement expressionniste, à l’image de sa dernière exposition personnelle Faces, à la Loo & Lou Gallery en 2015. Outre sa maîtrise du dessin et des couleurs, l’artiste étend aujourd’hui son habileté dans cette présente série, à l’exploration d’une abstraction matiériste, fruit de ses nouvelles expérimentations des surfaces, dont elle propose une somptueuse variation d’effets de texture et de rythme.
Bien plus que la toile blanche, c’est donc l’imposante variété de toutes ses dispositions picturales, qui peut susciter chez elle, une forme de vertige intranquille : que peindre maintenant ? On sait d’ailleurs, depuis Deleuze, que « ce serait une erreur de croire que le peintre travaille sur une surface blanche et vierge. La surface est tout entière investie virtuellement par toutes sortes de clichés avec lesquels il faudra rompre ».
L’artiste s’astreint donc à une sorte de réduction picturale chère aux tenants de l’expressionniste abstrait, afin de revenir à l’objet même de sa passion : la peinture.
Les quatre œuvres présentées dans l’atelier de la Loo & Lou Gallery, témoignent ainsi d’une mise en crise radicale de sa démarche : ici, pas de cadre, ni de titre, pas de calligraphie, pas d’espace, ni de temps, aucun objet, aucun sujet, ni de dessin explicite… Aurélie Deguest parvient à forclore de la surface de la toile, ce qui n’est pas propre à la seule peinture ; isolant ainsi l’œuvre de toute référence extérieure.
Sa peinture ne propose nullement une vue distanciée à caractère illustratif, voire paysagiste de l’élément aquatique, mais semble plonger le regard du spectateur dans la viscosité insaisissable d’une eau profonde. D’où le caractère japonisant de certaines de ses œuvres, qui peuvent évoquer, par ailleurs l’esprit de la peinture chinoise, dont le philosophe François Cheng disait qu’elle
« saisit le monde au-delà de ses traits distinctifs et dans sa transition essentielle ».
Pour conjurer l’espace vide d’un fond uniformément blanc, elle recouvre sa toile d’une trame préparatoire à sa peinture, en usant quelquefois de bandes de toiles noires, impulsant un rythme visuel à sa future composition.
A la fois méditative et matiériste, chaque composition peut, alors, suggérer tout à la fois la surface d’une eau en proie à la fluidité de son ressac incessant, l’empreinte d’une peau de pachyderme ou la mue d’un reptile, les plissements telluriques d’une concaténation de lave refroidie. Épiderme de la terre et mémoire des étoiles, la toile prend aussi des allures de tapisserie ensorcelée, enveloppant dans ses plis infinis, un feuilletage de toiles mêlées à l’épaisseur de la peinture séchée.
La surface du tableau se gaufre, alors, des anfractuosités d’un paysage stellaires, sillonné de crêtes, et de crevasses éruptives.
En renonçant à encadrer et à tendre ses toiles sur un châssis, l’artiste se libère, enfin, du symbole d’une peinture surcodée, où règne encore l’emprise d’une fonction imageante trop exsangue à son goût.
D’où son besoin, peut-être, de se confronter à cette « nuit du logos », dont parlait le poète Francis Ponge, en érigeant le noir comme la couleur dominante de ses œuvres, qu’elle pondère subtilement avec des contrepoints de blanc terreux, bleuâtre, évoquant tout autant la genèse du monde que son apocalypse.
La tonalité nocturne des toiles d’Aurèlie Deguest laisse entrevoir, parfois, des formes évanescentes à la manière d’un spectre d’Ophélie. Cette peinture semble, alors, se jouer dans d’entre-deux obscur de la matière et du songe, de la présence et de l’absence, plongeant ses ombres errantes dans la profondeur des eaux du Styx, dont la légende dit qu’elles permettaient d’emporter les âmes défuntes vers le royaume des morts.
En choisissant d’installer sa peinture dans l’atmosphère nocturne, la peintre sait sûrement que la nuit est aussi ce pathos propice à toutes les renaissances. Novalis n’appelait-il pas la nuit le « lieu des révélations » (Offenbarungen) ; dans lequel le germe travaille au cœur des profondeurs maternelles du sol où se prépare son avènement à la lumière.
D’ailleurs la peintre ne transforme-t-elle pas le noir en couleur lumineuse, en se livrant à une somptueuse variation d’effets de lumière, à travers les mats et les brillants de ses outrenoirs ? A cet effet, la peinture est souvent rehaussée de gloss pour parfaire de brillants les surfaces qu’elle finit par lisser au couteau, contribuant à faire de la toile, une ode vibrante aux effets de matière sublimées.
L’artiste accorde, de la sorte, un soin particulier aux textures de ses œuvres, préférant se servir notamment de grossières toiles de jute ou d’épaisses draperies comme autant de supports de ses peintures, afin d’en renforcer leur caractère tactile ? En se jouant, ainsi, des oppositions nuit/lumière, diaphane/ obscur, lisse et rugueux, optique/haptique…Aurélie Deguest s’empare du conseil de Bachelard fait à l’imagination du poète : celui de travailler les substances qui sont les plus contrastées et aptes à éveiller la rêverie poétique. L’artiste invite ainsi le spectateur à laisser son regard errer au gré des surfaces de ses toiles, en retrouvant peut-être ces sensations perdues que nous apportons tous en naissant.

Née en Chine en 1968, LiFang vit et travaille à Paris.
LiFang a découvert sa passion pour la peinture dès l’âge de 15 ans. Après sept années d’études aux Beaux-Arts de Nankin, elle a été professeur universitaire en dessin et peinture, avant de venir en France poursuivre ses recherches artistiques, en 2001. A l’issue de son DEA en Arts Plastiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle se met en quête d’un nouveau langage pictural pour s’approprier la réalité contemporaine.
Au moyen de touches larges, juxtaposées et modulées en fonction de l’éclairage, LiFang retranscrit le volume des êtres dépeints. Ce style lui permet aussi d’inscrire ses œuvres dans un rapport immédiat au monde contemporain. Les effets de flou et de fragmentation évoquent la pixellisation de photographies numériques agrandies jusqu’à perdre leur netteté. Ils témoignent également de l’effacement des identités individuelles, au sein des foules qui se croisent dans les artères des villes, qui se reposent sur les plages, ou encore qui se tassent dans les bateaux. Les corps ne sont plus que des objets en mouvement ou des êtres autant interchangeables qu’impénétrables. Tantôt légère ou profonde, joyeuse ou tragique, l’œuvre de LiFang est intemporelle et ouverte.
Depuis 2005, son travail est présenté dans des galeries, institutions et foires d’art internationales, en France, Allemagne, Suisse, ainsi qu’à New York et en Asie. Ses œuvres ont été acquises par des collections publiques comme celles du Musée Cernuschi de Paris et la Fondation Colas.
CURRICULUM VITAE
Expositions personnelles (extraits)
2025
Somewhere, Galerie Boulakia, ASIA NOW, Musée de la Monnaie de Paris (France)
2024
Flâneries, Galerie Oriane, Munich (Allemagne)
2023
Between beaches, Galerie Bouakia, Londres (Angleterre)
2022
Au cœur de la vallée, Galerie Red Zone Arts, Francfort (Allemagne)
L’eau de Là, Galerie SpArts, Paris (France)
2018
The supreme good is like water, Galerie Red Zone Arts, Francfort (Allemagne)
Figur’Action, Galerie SpArts, Paris (France) – Catalogue
2015
Et toi le passant…, Centre culturel de VLG (France)- Catalogue
Chinese Spings, Galerie Valérie Delaunay, Paris (France)
Mignonne allons voir, Galerie Claire Gastaud, Clermont-Ferrand (France)
2014
Chinese nudes, Galerie Red Zone Arts, Genève (Suisse)
2012
Rêveries d’une promeneuse solitaire, Galerie Red Zone Arts, Genève (Suisse)
Peintures récentes, Galerie Claire Gastaud, Clermont-Ferrand (France)- Catalogue
2010
Instants Tannés, Château des Tourelles, Le Plessis-Trévise (France)
2008
Li Fang, Kips Gallery, New York (EU)
2007
Li Fang, Galerie Claire Gastaud, Clermont-Ferrand (France)
1999
Li Fang, Peinture à l’ huile, Galerie de l’Institut d’Art de Nankin, Nankin (Chine)
Expositions collectives (extraits)
2019
China Today, Musée de l’Orient, Lisbonne, (Portugal)
Musée Cernuschi, Paris (France)
2012
Biennale de Shanghai 2012, Shanghai (Chine) – Catalogue
Fondation Colas, Ecole des Beaux-Arts de Paris (France) – Catalogue
2011
NordArt, Budelsdorf (Allemagne) – Catalogue
1998
1er Festival des Arts, Musée des Beaux-Arts de Jiangsu, Nankin (Chine)
Foires (extraits)
TEFAF 2026, 2025, Galerie Boulakia, Maastricht (Pays-Bas)
BRAFA Art Fair 2026, 2025, 2024, 2023, Galerie Boulakia, Bruxelles (Belgique)
Luxembourg Art Week 2024, Galerie Boulakia (Luxembourg)
FAB Paris 2023, Galerie Boulakia, Paris (France)
Art Paris Art Fair 2022, 2020, 2014, Galerie Red Zone Arts, Paris (France)
Art Paris Art Fair 2014, 2013, 2012, 2007, Galerie Claire Gastaud, Paris (France)
Asia Now Art Fair Paris 2022, 2021, Galerie Red Zone Arts, Paris (France)
KIAF 2010, Kips Gallery, Seoul (Corée du Sud)
Art Beijing 2008, Galerie Sinitude, Beijing (Chine)
Publications
2023
Monographie LIFANG, aux Éditions SKIRA,
Paris
Collections publiques
2015
Jupiter Museum of Art, Shenzhen (Chine)
2013
Musée Cernuschi de Paris (France)
2012
Fondation Colas, Paris (France)





Bastien Vittori développe une pratique qui interroge la matérialité des images et les seuils de perception qu’elles génèrent. Il travaille principalement à partir de la photographie, envisagée non comme une simple captation, mais comme un objet, un support, un espace de transformation. Ce médium constitue souvent le point d’entrée vers d’autres formes plastiques telles que le dessin, l’installation, le transfert, qui permettent de prolonger les images en déplaçant leur contexte ou leur support.
Ce déplacement s’opère comme un principe méthodologique. Par analogie avec des phénomènes physiques comme la sédimentation, l’effacement, l’encastrement, l’artiste engage un processus de recomposition. Il isole des fragments, des textures, des flux d’images numériques, et les transpose dans d’autres régimes de matérialité. Ses œuvres rendent sensible la manière dont les images contemporaines circulent, s’accumulent et se déposent.
En parallèle de sa recherche artistique, il mène des projets pédagogiques en lien avec ses thématiques de prédilection. La transmission, qu’il a pu expérimenter dans divers milieux, lui a permis de découvrir la richesse et la singularité des rapports que chacun entretient avec l’art, la culture et son environnement. Ces expériences nourrissent sa pratique et renforcent son intérêt pour des projets où création et partage se rejoignent, ouvrant des espaces de réflexion collective.
CURRICULUM VITAE
Formation
2021 – 2023
Diplôme National d’Études Plastiques
Mention « Art et récit »
École Européenne Supérieure d’Arts de Bretagne, Lorient (site de)
2019 – 2021
Diplôme National d’Art Félicitations du jury
École Européenne Supérieure d’Arts de Bretagne, Lorient (site de)
2018 – 2019
Classe préparatoire aux écoles d’art (CPES – CAAP)
Lycée Rosa Parks, Paris
Expositions et résidences
2025
– Exposition personnelle Creuser
Atelier Loo & Lou, Paris
– Résidence de création
Atelier de l’Achille, Saint-Malo
– Exposition personnelle Le devenir en surface
Le Tzara, Paris
Depuis 2024
Résident permanent
« Love Letter », atelier collectif, Bagnolet
2023
Résidence artistique Luciole
Association Tournefou, Aix-Villemaur-Pâlis
2023
Exposition collective Fragments vagabonds
Galerie du Faouëdic, Lorient




Joël Person




« Je déteste faire les choses littéralement » : le paradis perdu de Joël Person est avant tout dessiné. Né en 1962, l’artiste français à la carrière déjà bien engagée propose dans ce solo-show une réflexion très personnelle aux allures introspectives. Car sous couvert de son sens de la formule, Joël Person se questionne : en vieillissant, est-ce l’enfance qui apparait comme ce moment d’insouciance à jamais disparu ? Quelle est la part d’universalité dans ces souvenirs lointains et souvent flous propres à chacun ?
À travers une trajectoire monographique dont la proposition essaie d’en parcourir les différents aspects, c’est au fil de ses œuvres que la réponse se dessine.
Ce sont d’abord les « Chevaux de l’Apocalypse », grande cavalcade de plus de 9 mètres de long qui ouvrent la réflexion dessinée de Joël Person. Ses galops se lisent comme une partition monumentale et évoquent, bien sûr, l’expiation religieuse par leur titre. Mais encore une fois rien n’est littéral chez Joël Person et par le cadrage, l’artiste met l’accent sur les chevaux plutôt que sur les « cavaliers », véritable leitmotiv de son travail. Au texte d’origine, c’est ici la puissance du cheval qui vient rythmer la recherche du dessinateur.
La symphonie continue avec le « Cheval à la barre », autre motif récurrent et pivot de la carrière de l’artiste. Le cheval est cette fois-ci celui qui se retrouve enfermé. C’est l’animalité d’autant plus flagrante qu’elle est ferrée, d’autant plus troublante que la tête du cheval appuyée contre la barre ouvre sur l’espace du spectateur. N’est-ce pas le paradis perdu que celui d’avoir domestiqué l’animal pour ensuite l’enfermer ? Par la composition très contemporaine de ce tableau, Joël Person nous interroge sur la liberté qui ne dure qu’un temps, et sur la nature du dialogue que l’on peut établir avec un cheval dont les yeux sont littéralement « barrés ».
Le « Chant de la terre », impassible, reprend une mélopée du renoncement, hommage à une nature qui n’est plus ce qu’elle a été mais qui continue de raisonner en nous. Ce paisible paysage s’abandonne à l’observation aussi bien qu’à la menace : vignobles, cultures, chasseurs, territoires inhospitaliers à la faune et à la flore guettent à la frontière de la feuille de papier. Et cependant le rythme de la terre est toujours là, immuable.
Car si le paradis perdu est, pour Joël Person, très personnel à chacun, le contexte actuel en découvre également sa globalité et son universalité. Guerres, tensions politiques et problèmes écologiques détruisent en rendant périssable la notion même de paradis. Ces deuils quotidiens renvoient à ce qui a été et ce qui n’est plus, et renvoient à notre propre finitude.
Dans ce contexte anxiogène, l’artiste se repositionne sur ce qui a été « perdu » : c’est en rappelant à la mémoire son enfance qu’elle s’imprime en lui avec plus de précision. Les nombreux portraits, dont une sélection est présentée ici, ont parsemé la carrière du dessinateur comme autant de souvenirs immortalisés sur le papier. Sans jamais effacer la pure solitude, c’est aussi la confrontation de l’artiste à un autre « soi » dans une tension offerte à l’éternité. Le paradis perdu, c’est ce que Joël Person retrouve par le dessin, qui lui permet de retrouver les émotions premières, intuitives, et libérées de tout procédé.





Anele Pama est un artiste plasticien dont le travail est profondément influencé par son éducation et par ses expériences personnelles. Grandissant dans un township à Gugulethu Kanana (Afrique du Sud), les œuvres de Pama puisent leur inspiration dans la résilience et la solidarité de sa communauté. Utilisant aussi bien l’huile que l’acrylique, l’artiste raconte dans ses peintures les récits de survie, d’unité et d’espoir qui définissent la vie de tant de sud-africains noirs vivant dans des townships. Il vit et travaille à Cape Town.
Le travail de Pama reflète les réalités quotidiennes de la vie dans un ghetto, où les personnes doivent souvent affronter des conditions difficiles tout en continuant de s’entraider. Par son travail, l’artiste cherche à souligner ces aspects positifs de la vie dans les townships en se concentrant sur la force, la persevérance et l’amour qui persistent malgré les défis, plutôt que de renforcer les stéréotypes négatifs de violences et de toxicomanie qui leur sont généralement associés. Le travail de Anele Pama célèbre l’esprit de communauté et les sacrifices de ces individus qui chacun travaillent sans relâche pour offrir un meilleur avenir à leurs enfants. La célébration des grands-parents isolés est l’une des principales thématiques de son œuvre, et en particulier les grand-mères qui vendent chaque jour de la viande dans la rue dans le but d’envoyer leurs enfants à l’école et ainsi leur fournir les possibilités d’une vie meilleure. Par ses portraits vifs et émouvants, Pama honore leur dévouement et leur force, en donnant un visage à leurs histoires qui sont autant de chapitres essentiels d’une narration plus globale sur la survie et l’émancipation de cette communité.
L’art de Anele Pama sert de testament puissant quant à la résilience et à la beauté existant au cœur des townships, en mettant en valeur les récits jamais racontés d’amour, de survie et d’espoir, des récits qui passent le plus souvent inapercus.

Abongile Sidzumo (né en 1996) vit et travaille à Cape Town d’où il est originaire. En 2019, il obtient son diplôme des Beaux-Arts de la Michaelis School of Fine Arts. Sidzumo reçoit alors le Blessing Ngobeni Art Prize, ce qui lui vaut une première exposition personnelle appelée “Dancing in the Dust”, à la Everard Read Gallery à Johannesburg un an plus tard. La même année, il est finaliste pour le Cassier Welz Awards, manifestation acceuillie chez les Bag factory Artists’s Studios en collaboration avec Strauss & Co.
En 2021, Sidzumo reçoit le prix du Gerald Sekoto Award in the Absa L’Atelier Awards. Ce prix lui permet d’effectuer une résidence de trois mois à la Cité Internationale des Arts de Paris. En 2023, il tient une seconde exposition personnelle à la Absa Gallery à Johannesburg, exposition qui voyage également à Gqeberha, Bloemfontein et Pretoria. Il entre en résidence cette même année à KNKK en Afrique du Sud.
Sidzumo travaille à partir de chutes de cuir et de matières réutilisées pour créer des pièces qui reflètent et interrogent à la fois notre humanité, la façon dont les êtres co-existent et notre relation à la nature. Ses sources d’inspiration sont des souvenirs qu’il revisite en les reliant à des lieux dans lesquels il a vécu, mais également la vie quotidienne des communautés marginalisées.
Le cuir est souvent associé au luxe, à la richesse et au pouvoir. En le cousant et en le tissant, Sidzumo interroge notre capacité à redéfinir cette matière. Pour lui, coudre renvoie à la notion de guérison, celle des traumatismes qui ont été infligés aux communautés noires durant l’apartheid. Aujourd’hui dans une Afrique du Sud post-apartheid, sa pratique continue d’interroger durablement la guérison de ces communautés.